Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’indiquer d’une manière précise les limites de chaque vague de renflement. Toutefois assez d’observations sont réunies pour que l’on puisse admettre d’une manière générale le soulèvement de la plupart des contrées qui entourent le bassin de la Méditerranée. Ces régions, que des forces volcaniques font osciller en maints endroits, constitueraient une grande aire d’élévation, des déserts sahariens à la France centrale et des côtes de l’Espagne aux steppes de la Tartarie. Tandis que la péninsule montagneuse de Scandinavie est située au milieu des régions soulevées de l’Europe septentrionale, la longue dépression de la Méditerranée occuperait, par une sorte de polarité, le milieu des vastes territoires qui s’exhaussent graduellement au midi de l’Europe et au nord de l’Afrique.

Jadis cet immense espace était limité, du côté de la zone tropicale, par une autre mer ou du moins par un détroit large de plusieurs centaines de kilomètres, qui commençait au golfe des Syrtes, et, remplissant les dépressions du Sahara berbère, allait s’unir à l’Atlantique en face de l’archipel des Canaries. Il n’est pas besoin de rappeler aux lecteurs de la Revue l’excursion que MM. Martins, Escher de la Linth et Desor firent dans le Sahara pendant l’hiver de 1863[1]. Les savans géologues ont constaté, après M. Charles Laurent, que les sables de cette région sont tout à fait identiques à ceux des plages les plus voisines de la Méditerranée et contiennent les mêmes espèces de coquillages. Un de ces témoins du passé, la clavisse commune (catdium edule), se trouve non-seulement à la surface du sol, mais aussi à une certaine profondeur, et jusqu’à 275 mètres d’altitude sur les pentes des collines. Le Sahara d’Algérie s’est donc élevé de toute cette hauteur pendant une période géologique récente ; diverses dépressions, dont la superficie est de 90 mètres plus basse que le niveau de la Méditerranée, ont été graduellement séparées de la mer, et de nos jours elles n’offrent plus que des eaux marécageuses ou d’interminables plaines. À une époque très récente et peut-être historique, le lac Tritonis des anciens, actuellement la Sebkha-Faraoun, a cessé d’être un prolongement du golfe de Gabès pour devenir un simple marais. C’était le dernier reste du bras de mer qui séparait du continent africain les régions montagneuses de l’Atlas, naturellement si distinctes de la Libye par leur aspect général, ainsi que par leur faune et leur flore. À l’existence de cette méditerranée d’Afrique, que remplacent aujourd’hui des sables blancs de sel et des rochers dépouillés de verdure, MM. Escher de la Linth et Lyell attribuent en grande partie

  1. Voyez les études de M. Charles Martins intitulées le Sahara, souvenirs d’un voyage d’hiver, dans les livraisons du 15 juillet et du 1er août 1864 de la Revue.