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L’insuffisance de l’encaisse devient un symptôme de la situation générale; le métal précieux est retiré, si on espère l’utiliser autrement à plus haut prix; tant que cette situation dure, les demandes continuent. Quand le courant est établi, il faut, pour l’arrêter et pour le faire remonter vers la source, s’attaquer à la cause même, consentir à payer l’argent ce qu’il vaut. La liberté commerciale amène la solidarité des marchés; les métaux précieux, ces instrumens de la circulation, aussi nécessaires à la production des richesses que les machines qui produisent la force et qui impriment le mouvement, suivent la loi de toutes les marchandises : ils vont là où le profit les appelle. Les expédiens ne servent à rien. On a beau acheter de l’or, comme la Banque en a fait la triste expérience : il s’en va, si on a été obligé de l’acquérir à haut prix. On voudrait en vain le payer avec une portion du capital disponible: l’effet ne varierait point. Les plans bâtis sur l’extension du capital de la Banque et sur l’aliénation des rentes, pour défendre l’encaisse, ne reposent que sur le sable. On a beau dire qu’il est facile d’entretenir des réserves métalliques qui correspondent aux besoins de l’échange des billets, sans qu’on soit forcé de recourir à l’élévation du taux de l’escompte, et cela en réalisant le capital de la Banque ou en l’augmentant. On tombe ainsi dans un cercle vicieux : le capital flottant, auquel on ferait appel, aggraverait la situation en disparaissant du marché; l’aliénation soudaine des rentes entraînerait une plus forte baisse des cours et ferait ressortir l’intérêt à plus haut prix. Les crises monétaires résistent à ces panacées.

De pareils procédés n’ont point la vertu que leur attribuent ceux qui exagèrent l’influence du capital de la Banque, dont ils demandent la libre disposition ou l’accroissement. L’un et l’autre remède déplacent la difficulté sans la surmonter : ils reculent quelque peu le moment de l’épuisement de l’encaisse, ils n’en écartent point le péril. Si le capital de la Banque est toujours mobile, il s’engagera dans les affaires courantes; quand une crise éclatera, les proportions des embarras auront changé, les embarras n’auront pas disparu. A supposer qu’on ait réservé des ressources, ou qu’on en crée de nouvelles au moment du danger, les caisses auront beau se ravitailler, le numéraire s’écoulera tant que les conditions faites ailleurs au métal précieux permettront de réaliser un bénéfice en échangeant les billets. On aura beau réunir de nouvelles masses d’or, tout s’échappera à travers cette fissure aussi longtemps qu’on n’aura point réussi à la réparer. Il n’existe qu’un moyen de retenir ou de rappeler une marchandise universelle, qui rencontre toujours un placement facile : ce moyen, c’est de ne point lutter par de vains artifices contre un renchérissement naturel, de ne point livrer son or au-dessous de ce qu’il vaut, de ne point maintenir l’escompte