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Clyde, contiennent non-seulement des restes organiques des âges récens, mais aussi des amas de poteries d’origine romaine. Depuis que ces débris ont été rejetés sur le rivage, le sol s’est élevé de 8 mètres environ ; or, par une remarquable coïncidence, c’est à 8 mètres au-dessus du niveau des hautes marées que s’arrête l’antique muraille d’Antonin, qui du temps des Romains servait de barrière contre les Pictes. L’exhaussement général de la contrée peut donc être évalué à 5 millimètres par an. Plus au sud, les montagnes du pays de Galles portent aussi sur leurs flancs de nombreux témoignages du séjour de la mer pendant la période actuelle. Récemment M. Darbishire a découvert non loin du Snowdon, à 414 mètres de hauteur, un terrain de transport renfermant cinquante-quatre espèces de coquillages dont les pareils vivent encore dans les mers septentrionales de l’Europe ; le même terrain, dépourvu de coquilles il est vrai, se retrouve à 200 mètres plus haut.

Ainsi, du pays de Galles au Spitzberg et aux côtes orientales de la Sibérie, les terres n’ont cessé de grandir lentement durant une partie de la période glaciaire et pendant l’époque actuelle : l’aire d’élévation comprend un espace de la rondeur terrestre qui n’est pas moindre de 160 degrés en longitude. En présence de ces faits, doit-on considérer les phénomènes de soulèvement comme de simples accidens locaux que produisent le gonflement des roches et les secousses volcaniques, ou bien doit-on y voir les résultats d’une cause générale agissant de diverses manières sous la superficie de toute la planète ? La dernière hypothèse nous paraît la plus probable.


II.

Les contrées du sud de l’Europe sont certainement celles de la terre qui sont le plus gracieusement découpées. Des baies, des golfes, des mers intérieures, les pénètrent en diverses directions ; projetées en péninsules qui présentent la plus grande variété de contours et d’aspects, elles sont devenues vivantes, pour ainsi dire, grâce à leurs nombreuses articulations, pareilles à celles d’un corps organisé, À cette multiplicité de formes extérieures correspondent de singulières inégalités et des contrastes exceptionnels dans les mouvemens du sol. Un certain enchevêtrement se manifeste çà et là entre les régions soulevées et celles qui s’abaissent. Aussi, quoique le nombre des observateurs soit plus considérable en Europe que dans toutes les autres parties du monde, les phénomènes d’élévation ou d’affaissement n’y sont point constatés sur tous les rivages, et pendant longtemps encore il sera sans doute impossible