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rées, des épargnes réunies en vertu d’un ingénieux mécanisme, au lieu de poursuivre de gros bénéfices en s’appuyant sur la fiction de la monnaie de papier. Les banques d’Ecosse ont su, par l’organisation d’un contrôle mutuel, prévenir l’émission surabondante du papier; aussi des plaintes ont vivement retenti contre l’esprit étroit et la pusillanimité des directeurs de ces établissemens. La circulation demeure au-dessous du tiers de leur capital. L’accroissement des dépôts alimente les opérations; les billets ne servent guère qu’à faciliter le règlement des comptes.

D’où vient ce phénomène, qui assigne aux banques d’Ecosse un rang à part dans l’ordre des institutions de crédit? Du principe de la responsabilité indéfinie des associés, appliqué à toutes les banques qui n’ont pas obtenu une charte d’incorporation. Il en résulte une surveillance très active de la part des intéressés; ils doivent se connaître, ils sont tenus de se contrôler sans cesse. Les petits capitalistes deviennent, non des sociétaires indéfiniment responsables, mais des déposans qui se contentent d’un intérêt réduit, et beaucoup de ces cliens des banques puisent dans la régularité et dans la fréquence de leurs versemens le meilleur élément de leur crédit. La réserve disponible est entretenue par ce courant de l’épargne, toutes les ressources sont rapidement utilisées; rien ne sommeille ni ne se perd des instrumens actifs de la production : on travaille avec un capital effectif sans cesse renouvelé, au lieu de courir après la multiplication fictive de prétendus capitaux en papier, et le sentiment de la responsabilité, toujours en éveil, maintient la direction dans une ligne de prudente réserve.

Ceux qui invoquent l’exemple des banques d’Ecosse afin d’en déduire une preuve de fécondité pour la concurrence n’auraient pas dû négliger de décrire le genre de crédit dont profite la patrie d’Adam Smith. La responsabilité indéfinie des associés, sauf des exceptions peu nombreuses, y a servi de base solide aux opérations des banques; celles-ci, établies dans un pays essentiellement agricole, ont fonctionné principalement comme banques de dépôt, et très accessoirement comme banques de circulation. Le chiffre de leurs billets n’équivaut pas au dixième des sommes reçues en compte-courant, ni au tiers de leur capital; il permet de réaliser une économie d’une cinquantaine de millions de francs à peu près sur une circulation qui aurait été purement métallique. Le capital ainsi économisé représente à 4 pour 100 un profit annuel de 2 millions de francs qui n’est pas à dédaigner; mais il reste fort loin des brillantes perspectives ouvertes par ceux qui croient voir dans la monnaie de papier la baguette magique de la richesse.

Les banques d’Ecosse multiplient leurs succursales, mais elles ne sont qu’au nombre de quatorze. Leurs comptes réciproques se sol-