Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/680

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Banque de France a plus que jamais conduit largement ses escomptes en 1864 ; elle est arrivée au chiffre inouï de 6 milliards 550 millions, en se maintenant en moyenne à près de 1 pour 100 d’intérêt au-dessous du taux de la Banque d’Angleterre. C’est un résultat dont elle peut se glorifier à juste titre. Il ne désarme cependant pas ses adversaires. Sans s’inquiéter de la situation générale du marché des capitaux, sans tenir compte du nouveau régime commercial dont la France est appelée à supporter les conséquences en même temps qu’elle en recueille les avantages, ils s’arment du taux du dividende qu’elle distribue pour faire appel à de mauvais sentimens, trop faciles à éveiller. La Banque est coupable, parce qu’elle a réalisé de grands bénéfices; cela suffit pour la condamner. On ne se demande point si les bénéfices d’une institution de crédit de cette nature ne grandissent pas avec les services rendus, et si ceux-ci ne leur servent point de mesure naturelle. On enfle même d’une manière fictive le dividende de 200 francs, acquis en 1864, d’une répartition extraordinaire de 35 francs qui appartient à l’exercice de 1861, et qui est le résultat de la liquidation d’affaires difficiles engagées à cette époque. Sans nul doute, c’est un beau chiffre que celui de 200 francs, qui équivaut à 20 pour 100 sur les anciennes actions émises à 1,000 fr., et à 18 pour 100 sur les actions nouvelles, sur lesquelles il a été opéré un versement de 1,100 francs; mais ce résultat a déjà été atteint et même dépassé plusieurs fois. Le dividende a été de 200 fr. en 1855, de 272 fr. en 1856, de 247 fr. en 1857; il s’était élevé avant la révolution de février, au milieu d’un mouvement d’affaires singulièrement calme et restreint, à 144 francs en 1839, 139 fr. en 1840, 138 fr. en 1842, 159 fr. en 1846 et 177 fr. en 1847. On dira que le dividende nouveau correspond à un capital doublé depuis 1857; il en est ainsi pour toutes les entreprises dont l’extension successive a fait augmenter le fonds de roulement ou de garantie, et l’on doit se féliciter au lieu de se plaindre de ce que les résultats obtenus s’élèvent proportionnellement aux avances faites.

D’ailleurs ces résultats remarquables demeurent au-dessous des avantages recueillis dans d’autres entreprises qui n’ont pas toutes le mérite de contribuer autant que la Banque de France à raffermir l’assiette du crédit et à maintenir les conditions indispensables d’une circulation solide. Est-ce qu’on a jamais eu la pensée de faire un sujet de reproche aux banques à fonds-unis (joint-stock-banks) des dividendes de 20 pour 100, de 30 pour 100 et au-delà, qu’elles ont légitimement distribués à leurs actionnaires? Nullement; on y a vu au contraire un motif d’encouragement pour des établissemens analogues qui commencent à fonctionner utilement dans notre pays. Si nous rappelons ce fait, ce n’est pas uniquement