Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/670

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recueillis par cette institution : elle s’enrichit, ajoute-t-on, d’autant plus que les conditions qu’elle impose sont plus dures et que la production et le négoce souffrent davantage. De pareilles accusations sont graves : il faut les examiner de près et les rapprocher des données pratiques. Quelques faits et quelques chiffres suffiront pour mettre chacun à même d’apprécier la situation.

On se plaît à rappeler qu’avant 1848 la Banque de France avait presque constamment maintenu l’escompte à 4 pour 100, et que, pendant plus de trente ans, neuf banques départementales avaient fonctionné concurremment avec elle à la satisfaction de tout le monde. Trois d’entre ces institutions, armées chacune d’un monopole distinct pour un rayon déterminé, ont seules duré plus de trente ans (Rouen, Nantes et Bordeaux), les six autres (Lyon, Marseille, Lille, Le Havre, Toulouse et Orléans) n’ayant été établies que depuis 1835 et 1836 ; mais c’est un détail sur lequel il serait inutile d’insister. Ce qu’il est plus important de constater, c’est l’oubli des réclamations nombreuses soulevées contre le fractionnement du droit d’émission. L’idée d’incorporer les banques départementales à la Banque de France est bien antérieure à 1848 ; la révolution de février n’a fait que consacrer une réforme déjà mûre dans les esprits. Indiquée en 1847 par une commission de la chambre des députés, elle fut énergiquement réclamée dans la dernière discussion parlementaire engagée sous le gouvernement de juillet. Chose remarquable, au moment où l’un des plus habiles promoteurs de cette grande mesure, M. Léon Faucher, put se féliciter de la voir accomplie, M. Blanqui aîné, qui l’avait combattue, reconnut qu’il s’était trompé. « A la veille des événemens de février (disait-il dans une discussion engagée devant l’Académie des sciences morales et politiques en 1849), je soutenais l’opinion contraire[1] ; mais l’expérience qui vient de s’accomplir a modifié mes idées, et je crois que la centralisation du crédit a ses avantages. Elle prévient les inquiétudes qu’inspirent les billets des banques locales, et elle tend à généraliser l’usage du crédit. » Il ajoutait encore qu’il croyait l’expérience de l’unité des banques d’autant plus décisive qu’elle s’était accomplie dans des temps plus désastreux pour le pays.

Les banques départementales ne rendaient qu’un service incomplet sous le rapport de la circulation : leurs billets ne pouvaient franchir un étroit rayon ; consacrés à l’échange local, ils n’empruntaient point au principe de l’unité cette vigueur qui distingue aujourd’hui la monnaie fiduciaire acceptée dans le pays tout entier. Aussi la moyenne de la circulation ne dépassait guère en 1846,

  1. Celle de la multiplicité des banques.