Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/669

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme le disent les Anglais, l’économie politique est principalement a matter of facts, jamais cette vérité n’a rencontré une application plus directe que dans la question du crédit et des banques.

Nous n’avons point la prétention d’aborder ici cette vaste matière sous les divers aspects qu’elle présente. Notre tâche, plus modeste, doit se borner à rétablir des données pratiques qu’on semble oublier ou ignorer, et à rappeler que l’émission des billets faisant office de monnaie ne se renferme point dans les limites d’une question de facilité des escomptes ; elle touche aux problèmes les plus délicats de la sécurité de la circulation et de la variation des prix. Au lieu de n’offrir qu’un intérêt purement commercial, elle s’élève aux proportions d’un véritable intérêt public.


I.

Il faut avant tout se rendre bien compte de l’objet du débat. Depuis 1848, la Banque de France a seule la faculté d’émettre des billets payables en espèces au porteur et à vue; depuis 1857, elle a seule le droit d’élever le taux de ses opérations au-dessus de la limite posée par la loi de 1807 en matière d’intérêt de l’argent, et de faire varier les conditions de l’escompte suivant la situation du marché. On attaque aujourd’hui, l’on dénonce même comme un monopole abusif, le droit exclusif d’émission. Les uns voudraient qu’on rentrât dans le principe absolu de liberté, car à leurs yeux la création des billets faisant office de monnaie est une industrie comme une autre. Une opinion moins extrême reconnaît que le contrôle et la surveillance de l’état sont indispensables, et doivent s’exercer soit sous la forme de règlemens spéciaux auxquels les banques d’émission fondées librement seraient assujetties, soit au moyen d’un privilège fractionné entre plusieurs banques établies dans le même rayon, soit enfin au moyen d’un privilège exclusif accordé pour des régions déterminées. On prétend en outre que la Banque ne saurait jouir seule d’une exemption légale qui supprime à son égard les dispositions limitatives du taux de l’intérêt, et au lieu de demander, d’accord avec cet établissement, une modification générale du droit commun, reconnu inapplicable, on prend la situation actuelle à rebours. On voudrait assujettir la Banque à un taux maximum ou à un taux invariable de l’escompte, tandis qu’en dehors d’elle les transactions seraient affranchies de toute règle limitative.

Ces réclamations, produites avec vivacité, même avec une certaine amertume et une sorte de violence, se fondent sur le dommage causé au commerce par la Banque de France, sur l’abus qu’elle aurait fait de son privilège, et sur les bénéfices exorbitans