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le dénoûment, — et déjà ce dénoûment s’avance à grands pas ; le 20 juin 1792 le prépare, le 10 août le précipite ; la proclamation de la république ne laisse plus qu’un duel entre deux adversaires dont l’un est à terre ; la mort de Louis XVI laisse la reine à découvert, et, plus encore que la reine, la femme vaincue, brisée, découronnée, mais jusqu’au bout ferme de cœur. Le 16 octobre 1793 est le terme de cette voie douloureuse que Marie-Antoinette parcourt depuis un an, allant des Tuileries à la petite loge des sténographes de l’assemblée le 10 août, puis au Temple, puis à la Conciergerie, puis à l’échafaud. Je ne veux pas la suivre dans cette sombre monotonie de terreur ; je voudrais seulement la montrer dans ces derniers temps d’une captivité qui se resserre jusqu’à l’étouffer. Marie-Antoinette dit quelque part, avant sa captivité, en parlant de la vie qu’elle mène, qu’il vaudrait mieux être au milieu d’un combat. Je le crois bien. Ici c’est le meurtre sans l’émotion excitante et noble du combat, c’est l’agonie obscure et poignante qui commence. Représentez-vous cette femme, la plus brillante des femmes, au Temple et à la Conciergerie, abreuvée d’injures et d’humiliations, surveillée par les commissaires qui se succèdent, sentant darder sur elle les regards ennemis, entendant rugir la populace du 3 septembre qui promène au bout d’une pique la tête de son amie la plus chère, Mme de Lamballe, successivement séparée du roi qu’on tue, de son fils qu’on lui arrache, enfin de sa fille et de Mme Elisabeth, ses dernières compagnes. Au Temple encore, du moins, elle avait ces deux cœurs pour se réchauffer, cette ombre triste de la vie de famille sous les verrous ; à la Conciergerie, elle est seule dans un cachot humide et nu, avec un petit lit de sangle, une table commune et deux chaises de prison. Là, elle passe de longs jours, n’ayant d’autre distraction que de lire quelquefois ou de regarder deux gendarmes qui jouent en la surveillant toujours.

Ce n’est plus la reine brillante et animée d’autrefois. Ses cheveux ont blanchi, son visage s’est amaigri et allongé, le sourire s’est glacé sur ses lèvres décolorées et plissées ; elle n’a plus que la beauté pâle et délicate d’une des créatures les plus charmantes immobilisée dans la douleur. Ses yeux sont fatigués de larmes ; son cœur s’est tellement brisé qu’elle ne sent plus le mal physique. Elle n’a plus que des souvenirs et des émotions qu’elle refoule tant qu’elle peut au plus profond d’elle-même. Un jour, sans y songer, la concierge amène dans sa prison un jeune enfant aux cheveux blonds, aux yeux bleus et à la figure charmante. La reine tressaille instinctivement, prise d’une indicible angoisse, et se jette sur l’enfant, qu’elle couvre de baisers et de caresses, en parlant de son pauvre petit dauphin. Le costume de Marie-Antoinette est conforme