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cesse d’appliquer aux phénomènes de combinaison moléculaire des théories illusoires ou des théories physiques, l’alchimie disparaît et la chimie se fonde; plus tard encore, quand on cesse d’appliquer aux phénomènes de la vie les interprétations physiques ou chimiques, la biologie arrive à son tour; enfin la fondation de la sociologie est encore plus récente : elle est due à M. Comte.

« C’est parce qu’elle satisfait à ces trois conditions, ordre naturel, ordre didactique, ordre historique, que la philosophie positive fournit, en toutes les questions, un fil et une lumière; c’est parce qu’elle émane des sciences qu’elle échappe aux vices et aux illusions de la subjectivité; c’est parce qu’elle emprunte aux sciences ainsi rangées hiérarchiquement ses généralités qu’elle est non une science particulière, mais une philosophie.

« La philosophie positive est à ses débuts, les développemens lui viendront; il en est un qui se présente déjà : la sociologie, puisqu’elle contient l’évolution de l’humanité, renferme implicitement l’histoire de la morale de l’esthétique et de la psychologie, mais d’une manière implicite seulement. Aussi faut-il les extraire de ce bloc où elles sont confondues, les considérer dans leur ensemble et leur connexion comme une seule science dite théorie du sujet, les établir en septième science à la suite des six sciences déjà hiérarchisées, et leur faire fournir, suivant la méthode employée par M. Comte, leur contingent d’idées générales pour étendre et éclairer le domaine de la philosophie positive. »


Telle est cette fameuse classification des sciences, qui est faite pour en montrer la base, la filiation, l’achèvement et la portée souveraine sur l’ordre moral et politique. Tel est le champ de la connaissance humaine exploré désormais dans toutes ses parties, non pas sans doute approfondi et sondé comme il le sera quelque jour, mais délimité et fermé. Vous ne voyez là, dit le philosophe positif, aucune notion sur l’essence, l’origine et la fin des choses, c’est-à-dire rien d’absolu; mais les choses nous sont inaccessibles en ces replis. Je ne m’enquiers pas de ces abîmes, j’observe et je compare; cela fait, j’élimine le particulier, je m’arrête au général, je néglige l’absolu. Toutefois, dans ces limites où je me contiens, je ne laisse pas de rencontrer tout ce qui intéresse l’individu et la société; par-delà ces bornes, rien n’est à découvrir, et même rien n’importe. Regardez bien en effet : la science comprend la vie des sociétés, les lois de cette vie, le progrès entre autres. Donc, en étudiant le passé politique des sociétés, vous apprendrez leur avenir, et non-seulement l’avenir comme probabilité, mais comme droit et devoir, — devoir de l’homme soit envers lui-même, soit envers ses semblables, soit envers la puissance publique, — devoir de cette puissance envers les individus, soit à respecter, soit à protéger, soit à consulter. Il n’y a que du relatif en tout cela; mais ce n’est pas peu de chose apparemment que des rapports qui, dans