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cesse à la Banque de France est d’élever trop l’escompte, là-bas celui qu’on répète à tout instant contre la Banque d’Angleterre est de ne pas l’élever assez et assez tôt. Toutes les crises anciennes, affirme-t-on, ont été causées ou aggravées par la même faute, qui consiste à ne pas hausser à temps le taux de l’intérêt. Et ce ne sont pas, qu’on veuille bien le remarquer, des théoriciens qui tiennent ce langage, ce sont les organes de la Cité, les représentans des intérêts du commerce, le Times et l’Economist. Pendant toute l’année dernière, ils n’ont cessé de gourmander la Banque sur sa lenteur à hausser l’escompte et sur sa hâte intempestive à l’abaisser. Le premier devoir de la Banque dans les momens difficiles, dit-on là-bas, c’est de maintenir un large approvisionnement métallique. Aussi longtemps que l’encaisse est conservé, la confiance demeure intacte, il n’y a point de crise violente à craindre, car il n’y aura point de ces paniques qui tuent le crédit. Le crédit sera cher, mais les bonnes valeurs trouveront à s’escompter. L’argent s’écoule, il est rare, donc il ne peut pas être loué à bon compte. Tant pis pour ceux qui ne peuvent pas en payer l’usage au prix du jour ! Du moins, s’il y a gêne, il y n’y aura pas de désastres. Et en effet le money-market a échappé en 1864 à une tourmente qui semblait imminente.

Ainsi donc l’expérience des cinquante dernières années et celle toute récente de l’année qui vient de s’écouler permettent de formuler avec précision les mesures de prudence à prendre dans le règlement du commerce international. Le change contraire amène-t-il un écoulement prolongé du numéraire, haussez l’escompte, afin que le vide attire le métal de tous les marchés où il est encore abondant. L’or reflue-t-il largement, desserrez l’écrou, the screw, comme disent les Anglais ; abaissez l’intérêt, afin que le commerce ait la faculté de puiser dans l’approvisionnement reconquis de quoi opérer ses paiemens. Et ainsi faites marcher sans hésitation la pompe pneumatique du numéraire jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli et le danger passé.

J’arrive maintenant à la troisième et dernière circonstance qui contribue à déterminer les crises, l’excès des engagemens à terme, qui exigent l’intervention d’un large créditât d’un numéraire abondant, et qui aboutissent à des catastrophes quand le numéraire fait défaut et que le crédit se contracte ; mais il semble impossible ici d’imposer des mesures de prudence. Comment en effet entraver par des règlemens restrictifs la liberté des transactions commerciales, ce domaine réservé que respectent même les despotes ? Comment empêcher les particuliers d’acheter des marchandises à terme, de souscrire à dos entreprises nouvelles, de s’engager à des versemens futurs ? L’idée seule d’une prétention semblable paraît absurde, et pourtant on y arrive tout simplement, sans restrictions et sans réglementation,