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de temps à autre des cas exceptionnels, où par suite soit d’une disette, soit d’une importation extraordinaire de certaines matières premières à des prix exorbitans, ainsi que nous le voyons en ce moment pour le coton, l’équilibre ne se rétablit pas et où le change reste longtemps contraire malgré des envois continuels de métaux précieux. Dans ces cas, par quel moyen échapper à la crise ? Ici encore tous les hommes compétens s’accordent en Angleterre à reconnaître qu’il n’y a qu’un seul remède : la hausse du taux de l’escompte officiel fixé par la banque régulatrice. Jadis les souverains défendaient l’exportation du numéraire sous peine de mort, et le métal précieux ne s’en écoulait pas moins ; aujourd’hui on a vu que, pour attirer l’or des quatre coins de l’horizon, il suffisait d’élever l’intérêt de 2 ou 3 pour 100, c’est-à-dire de le payer son prix.

La puissance de ce mécanisme merveilleux, qui agit avec la régularité d’une pompe aspirante, était à peine soupçonnée il y a vingt ans, peut-être parce qu’alors le capital, moins mobile et moins cosmopolite, obéissait moins exactement à l’appel. En 1844, on croyait généralement que la prudence des banques devait surtout se manifester par le règlement de leur circulation fiduciaire. Depuis lors, on a reconnu que celle-ci échappait presque entièrement à leur contrôle, qu’elle se maintenait toujours à peu près dans les mêmes limites, et que son influence sur le money-market était tout à fait insignifiante ; mais d’un autre côté l’expérience journalière a montré que l’effet d’une hausse de l’escompte était magique, infaillible. Il est facile d’expliquer ce phénomène, l’un des plus intéressans que présente l’étude du monde commercial, — l’un des plus importans aussi par ses conséquences pratiques. Élever le taux de l’intérêt signifie qu’on est disposé à payer un plus fort loyer pour l’usage du numéraire. Il s’ensuit que l’argent disponible sur les places où relativement il abonde et où il se loue bon marché se précipitera vers le marché où on consent à le payer cher. C’est l’inévitable conséquence de la loi de l’offre et de la demande. Si l’on payait les voitures publiques 5 francs l’heure à Londres, tandis qu’à Paris on ne voudrait donner que 3 francs, il est évident que toutes passeraient la Manche à la condition qu’elles pussent se transporter aussi facilement que les véhicules d’or et d’argent. L’or est aussi mobile que l’eau, et tend, comme cet élément, à se mettre partout de niveau. Il coule avec impétuosité vers les endroits où un vide se produit,

    trouvera indiquée aussi dans un opuscule publié chez Guillaumin et intitulé : Études sur la liberté du commerce international. Un mot suffit à expliquer cette loi. Un change défavorable résultant d’un excès d’importation stimulera l’exportation, parce que souvent il sera moins onéreux d’envoyer des marchandises que de l’or pour solder la différence.