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100. Si au contraire le commerce doit puiser l’argent dont il a besoin dans un réservoir à moitié rempli au début, il le mettra complètement à sec avant d’avoir pu solder ses dettes envers l’étranger, et la Banque sera obligée d’avoir recours à des mesures d’une rigueur désespérée et funeste pour tous, afin d’échapper au danger d’une suspension. Ainsi donc éviter d’étendre d’une façon artificielle la circulation fiduciaire et conserver dans les caisses des institutions de crédit de larges approvisionnemens métalliques, telle est la première mesure de prudence que conseille l’expérience du passé.

La seconde circonstance qui contribue à déterminer les crises est, avons-nous dit, un dérangement dans la balance du commerce. Ce point demande quelques explications. Pour savoir si l’équilibre existe, il ne suffit pas de consulter le tableau des exportations et des importations, afin de se réjouir quand les premières dépassent les secondes, ou de s’affliger à la vue d’un résultat opposé, comme le ferait un disciple naïf de l’école mercantile. En effet, si l’on relevait par exemple les chiffres, qui concernent l’Angleterre, on se convaincrait qu’elle importe, année moyenne, au-delà d’un milliard de francs en valeur de plus qu’elle n’exporte[1]. Il n’en résulte pourtant pas que la balance lui soit défavorable, car généralement tous ces millions de marchandises représentent simplement l’intérêt annuel des immenses capitaux que les Anglais ont placés dans le monde entier et dont ils touchent le revenu sous forme de denrées qu’ils consomment Ces importations sont donc une sorte de tribut que l’univers paie à la nation qui lui a prêté de l’argent pour faire ses chemins de fer, exploiter ses mines ou entretenir ses armées, et l’Angleterre ne doit rien exporter en retour, car elle ne fait que toucher les sommes qui lui sont dues. La seule indication infaillible d’un dérangement de la balance commerciale est le taux du change, et en temps ordinaire les variations du change suffisent pour ramener le commerce international vers un état d’équilibre où les importations balancent les exportations, en exceptant, bien entendu, celles qui ont le caractère d’un tribut ou d’un paiement et qui n’exigent pas de compensation[2]. Toutefois il se présente

  1. Voici le tableau du commerce extérieur de l’Angleterre pour les quatre dernières années. Les chiffres en sont réellement instructifs.<br. >
    Années Importations Exportations Balance en faveur des exportations
    1860 210,531,000 liv. st. 164,521,000 46,010,000
    1861 217,485,000 159,632,000 57,853,000
    1862 226,593,000 167,190,000 59,403,000
    1863 248,981,000 196,902,000 52,079,000
  2. Cette loi si curieuse a été admirablement exposée par M. Stuart Mill dans les chapitres XXII et XXIII du quatrième livre de ses Principes d’économie politique. On la