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fait à une complète sécurité ; mais cela ne suffirait pas, car Hambourg, sans véritable émission de billets, n’a pas échappé aux grandes tourmentes commerciales, et c’est l’emploi de tous les instrumens de crédit, dont le billet de banque est l’un des moins importans[1], qui tend à réduire la circulation métallique, circonstance essentielle sur laquelle Robert Peel n’avait point assez fixé son attention en 1844. Quoi qu’il en soit, il est toujours certain que, pour rendre les crises moins fréquentes, il faudrait limiter la circulation des billets plutôt que l’étendre, comme le demandent à tort la plupart des publicistes français en ce moment. En Angleterre, où la monnaie métallique ne sert plus qu’au commerce de détail, on reconnaît le danger de la situation en présence d’un mouvement d’exportation et d’importation qui s’élève par an à 9 ou 10 milliards. Les deux écoles économiques qui se partagent l’opinion au sujet de la circulation sont d’accord sur ce point. On sait ce qu’a fait l’école de Mac-Culloch par son représentant au pouvoir, Robert Peel, en vue d’assurer à la Banque une forte réserve. Tooke, le chef de l’école adverse, est aussi d’avis que les banques devraient toujours conserver un approvisionnement métallique très considérable. C’est le dernier mot de sa fameuse Histoire des Prix. Voici le raisonnement qu’il fait et qu’il appuie sur une étude approfondie de l’histoire du money-market. Quand la balance du commerce est dérangée par un excès d’importation, il faut nécessairement envoyer de l’or à l’étranger pour rétablir l’équilibre ; mais, une fois ces expéditions faites et les dettes payées, le change se remet au pair, car il n’y a plus excès de traites sur l’Angleterre : dès lors la cause du drainage métallique cesse, et l’or ne s’écoule plus du pays. Si donc, quand l’écoulement commence, la Banque est en possession d’un puissant encaisse, elle pourra atteindre le moment où l’équilibre se rétablira, sans aucune mesure exceptionnelle et en portant seulement l’escompte au taux de 5 ou 6 pour

  1. En Angleterre, le billet de banque perd chaque année de son importance comme agent d’échange. En 1844, la circulation fiduciaire se montait à environ 30 millions sterling. Aujourd’hui, quoique le mouvement d’affaires ait probablement, doublé, le chiffre des billets ne dépasse guère 26 millions, et l’émission des banques provinciales est réduite à la moitié environ de ce qu’elle était en 1844 et du maximum légal. À mesure que le mécanisme des opérations de banque se perfectionne, on règle davantage les dettes réciproques par de simples transcriptions dans les livres. Depuis que tout récemment la Banque d’Angleterre s’est fait représenter au clearing-house de Londres, les centaines de millions qui s’y soldent chaque jour n’exigent plus même l’emploi des banknotes. En 1863, on a fait par jour jusqu’à 330 millions d’affaires au clearing-house de New-York par de simples annotations dans les écritures. Dans ces deux pays, l’emploi du billet diminue à mesure que le mouvement des échanges devient plus considérable. En présence de ce fait, ne serait-on pas amené à croire que la liberté d’émission ne ferait ni tout le mal que redoutent ses adversaires, ni tout le bien qu’en espèrent ses partisans ?