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qui n’en trouvent plus, l’accumulation cesse, parce que l’épargne n’est plus encouragée par la rente qu’elle procure. Dans un pays comme l’Angleterre, où le nombre des personnes riches est considérable et où le produit net annuel est énorme, on se rapproche de temps en temps de ce taux minimum au-dessous duquel cesserait toute épargne nouvelle. Lorsque quelques années se sont écoulées sans grandes perturbations, il y a tant de capitaux cherchant un emploi qu’il n’est presque plus possible de les placer d’une façon rémunératrice. Alors tous les titres haussent, l’escompte s’abaisse ; et de tous côtés on se plaint de ne plus rien gagner. Bientôt surgissent une foule d’entreprises qui promettent un intérêt plus élevé que les placemens ordinaires, et les capitalistes, ne sachant que faire de leur argent, souscrivent sans hésiter. C’est la période d’expansion, toujours suivie d’une période de révulsion, conséquence nécessaire des erreurs et des imprudences d’une spéculation effrénée. Cette révulsion, par les circonstances désastreuses qui l’accompagnent, — pertes, ruines, ventes forcées, chômage du travail industriel, — détruit une partie du capital surabondant. Un nouveau mouvement ascensionnel recommence alors, car l’épargne est de nouveau stimulée par suite du vide qui s’est opéré sur le marché. Ainsi s’explique la périodicité des crises qui éclatent chaque fois que le capital s’est accumulé jusqu’à l’excès : elles opèrent comme une saignée ou un exutoire sur un corps gonflé de sang jusqu’à l’apoplexie[1]. Sans doute cette théorie de M. Mill rend bien compte d’une des causes qui, en fait, ont contribué à la naissance de certaines crises ; mais aussi longtemps que le capital anglais peut trouver aux colonies et à l’étranger un placement avantageux, nous ne pouvons admettre qu’il surabonde jamais au point de rendre une tourmente financière inévitable, et en tout cas l’histoire du money-market en 1847 et 1857 est loin de pouvoir servir de base à l’opinion de l’éminent économiste anglais.


II

Nous venons d’examiner les différens systèmes proposés pour expliquer les crises ; essayons maintenant d’en démêler les causes en suivant simplement l’indication des faits.

Il est une circonstance qui invariablement précède toutes les grandes perturbations commerciales, c’est l’exportation des métaux

  1. Si cette opinion de M. Mill était juste, il en résulterait que ce n’est point l’accumulation du capital qui pourrait émanciper définitivement les classes inférieures, comme le disent la plupart des économistes, cette accumulation atteignant assez vite sa limite extrême.