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fiduciaire ne fut pas la cause première de la crise, il est certain que la Banque contribua, nul ne le conteste, à l’aggraver quand déjà l’ébranlement était devenu inévitable. Au lieu d’élever à temps le taux de l’intérêt et de restreindre ses avances, elle fit tout le contraire[1], sous prétexte de venir au secours du commerce, lorsque déjà son encaisse, fondant à vue d’œil, aurait dû lui imposer plus de prudence. C’est à partir d’octobre 1824 qu’il lui aurait fallu déjà prendre des mesures de précaution en prévision de la tempête qui approchait visiblement. Tous s’accordent à lui reprocher son inertie, sa passivité absolue, jusqu’à l’instant où, enveloppée dans la tempête qui ébranlait tout autour d’elle, elle en vint à demander au gouvernement l’autorisation éventuelle d’une nouvelle suspension de ses paiemens en numéraire, ce qui lui fut refusé. En résumé, s’il est vrai que la Banque en 1825 a contribué à aggraver la crise, il est certain aussi que ce n’est pas l’excès de ses émissions qui l’a provoquée. On peut en dire autant pour les années 1835, 36 et 39. La Banque a commis les mêmes fautes, elle n’a point, quand il le fallait, élevé l’intérêt et restreint ses avances ; mais elle a si peu amené les embarras du marché monétaire par sa circulation fiduciaire que le tableau mensuel qui en indique le chiffre permet de constater que celui-ci est resté, à peu près invariable de 1834 à 1838, oscillant à peine de 17 à 18 millions. Pendant la même période, les émissions des banques provinciales ne s’écartent presque point non plus d’un maximum de 11 millions et d’un minimum de 10 millions. Quant aux deux grandes tourmentes de 1847 et 1857, elles forment, on l’a vu, le plus fort argument des adversaires du système de Robert Peel. Comme elles se sont produites sous l’empire de la législation restrictive de 1844, il est certain qu’on ne peut en accuser cette fois l’excès d’émission.

Dans son grand ouvrage d’économie politique, M. Stuart Mill a émis au sujet des crises commerciales quelques vues qui, comme toutes celles qui émanent de cet éminent écrivain, se distinguent par la profondeur et l’originalité. Suivant lui, les crises accompagnent presque nécessairement le progrès de la richesse chez une nation dont la puissance productive augmente rapidement, et voici pourquoi. Dans tout pays, l’accumulation des capitaux est bornée par le taux des profits qu’ils donnent. Quand ce taux descend très bas par la concurrence des fonds qui cherchent un placement et

  1. En février 1825, quand l’encaisse n’était déjà plus que de 8 millions, la Banque augmenta sa circulation fiduciaire d’un million, et ses avances sur valeurs de 6 millions. La nécessité peut autoriser une banque à étendre ses émissions et ses escomptes au plus fort de la crise ; mais, comme nous le prouverons, elle doit toujours élever le taux de l’intérêt quand l’horizon devient menaçant.