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interdiction malavisée et injuste de fonder à volonté des établissemens de crédit, ce qui rend improductifs une masse de capitaux, excès de dépôts qu’aucun intérêt ne fixe et ne retient, enfin retrait de ces dépôts qui épuise l’encaisse métallique, de la banque privilégiée, voilà, suivant M. Coquelin, l’enchaînement de faits qui aboutit à des perturbations périodiques dans le monde des affaires. « Le change défavorable, ajoute-t-il, cette circonstance dont le parlement anglais s’est beaucoup occupé sans la bien comprendre, n’est point la cause déterminante des crises, car elle est plutôt un symptôme de prospérité croissante. »

Il n’est point surprenant que cette théorie ait rencontré de nombreuses et importantes adhésions. Elle est en elle-même très plausible, elle est irréprochable sous le rapport des principes abstraits, et la déduction des causes et des effets paraît très rigoureuse. Malheureusement elle ne concorde pas avec les faits, comme on va le voir. Si elle était exacte, le pays où le monopole d’une banque centrale est le plus exclusif devrait être le plus maltraité par les crises. Au contraire les pays où il y a beaucoup de banques et où l’on paie un intérêt aux déposans devrait échapper à ces orages, et enfin, dans les années de perturbation, les dépôts devraient être considérablement réduits. Or rien de tout cela n’est vrai, aucune de ces circonstances ne se réalise. Il est un pays où le monopole de la banque privilégiée est des plus absolus, c’est la France, et des trois grandes nations commerciales, c’est précisément la France qui a le moins souffert des crises. Il est une autre contrée où les banques sont plus nombreuses que partout ailleurs, et où elles paient un bon intérêt sur les dépôts qu’on leur confie. Cette contrée, ce sont les États-Unis. Or nulle part les crises n’ont été plus violentes, plus générales, plus brusques. Si le retrait des dépôts était la cause déterminante des crises en Angleterre, où on étudie depuis longtemps ce grave phénomène, les économistes, les hommes d’état, les enquêtes parlementaires auraient dû signaler cette remarquable circonstance. Comment se fait-il que nulle part il n’en soit question ? Un fait aussi important aurait-il donc passé inaperçu ? En aucune manière ; mais ce fait n’existe pas. Non-seulement les années de crise ne sont pas celles où la banque a conservé le moins de dépôts, mais on voit fréquemment les dépôts augmenter au moment même où la tempête financière se déchaîne avec le plus de fureur. Quelques chiffres vont le prouver.

En 1825, année de crise terrible, la moyenne annuelle des dépôts a été plus élevée que durant les années précédentes ; elle a été de 2,600,000 livres sterling contre 2,300,000 en 1824 et 1823, et 1,300,000 livres en 1822 et 1821. En 1845 et 1846, époque où le