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rectifier, s’il le faut, les principes généraux, et d’arriver enfin à des conclusions appuyées sur l’étude du passé et pouvant même jusqu’à un certain point servir de guide pour l’avenir. Dans un livre remarquable à plus d’un titre, intitulé du Crédit et des Banques, un économiste connu des lecteurs de la Revue, et dont la science regrette la mort prématurée, M. Charles Coquelin, a exposé une théorie des crises qui a été fort goûtée, parce qu’elle venait à l’appui d’une thèse très en vogue, la liberté des banques. D’après M. Coquelin, toutes les crises commerciales et financières ont été amenées par une cause unique, le monopole accordé en France et en Angleterre à une banque privilégiée. Le remède était donc naturellement indiqué ; il suffisait d’appliquer ici encore la maxime favorite de l’école économique : « laissez faire, laissez passer, » et de proclamer la liberté de l’émission. Voici comment le monopole des banques privilégiées devra nécessairement produire des crises. Dans un pays qui s’enrichit, le capital créé chaque année par l’épargne cherche un placement rémunérateur ; il en trouverait un excellent dans l’escompte, c’est-à-dire dans des avances faites au moyen du crédit à l’industrie et au commerce, dont il favoriserait ainsi la saine expansion ; mais la banque privilégiée envahit le marché et interdit à ces capitaux nouveaux la faculté de lui faire concurrence en se groupant sous la forme d’un établissement de crédit. Qu’en résulte-t-il ? C’est que ces capitaux condamnés à l’oisiveté vont, en attendant mieux, s’accumuler dans les caves de la banque privilégiée. Celle-ci, voyant sans cesse grossir son encaisse de la masse de ces dépôts, sur lesquels elle ne paie rien, en profite pour étendre, pour multiplier encore ses escomptes et grossir ses dividendes. D’autres capitaux particuliers sont rendus ainsi improductifs, d’où résultent de nouveaux dépôts et une plus grande extension de l’escompte. Cette facilité, de l’escompte surexcite toutes les industries ; d’autre part, la masse des capitaux disponibles en quête d’un placement s’accroît sans cesse. C’est alors que la richesse semble déborder ; l’or coule à flots ; on ne sait que faire de son argent ; il faut à tout prix en trouver l’emploi. Les projets, les entreprises de tout genre naissent en foule. Tout le monde souscrit avec fureur ; mais dès qu’il faut faire face aux versemens, on retire successivement les fonds déposés à la banque, où ils ne touchent aucun intérêt. L’encaisse diminue à vue d’œil. La banque continue à lancer des billets dans la circulation, mais ils sont bientôt présentés au remboursement. Effrayée enfin d’une situation qu’elle-même a créée, elle se décide à hausser brusquement le taux de l’escompte ou à en restreindre l’étendue. C’est le signal de la panique. La crise éclate, les faillites se succèdent, la débâcle est générale. Ainsi