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suffisamment fixées. Ces lois sont-elles psychologiques ou logiques, ou métaphysiques, ou bien sont-elles marquées à la fois de ce triple caractère ? Nulle part mieux que dans Proclus elles ne se montrent sous leurs aspects divers, tour à tour suivies, violées, puis obéies de nouveau. Ces lois, que la philosophie spiritualiste avait heureusement élucidées pendant le cours des siècles, Hegel les a mêlées et confondues. En cela, et malgré de notables différences, il a suivi l’exemple de Proclus, pour qui, à part certaines réserves, il a maintes fois exprimé ses prédilections. Ainsi revenir au vieux Proclus, c’est rester à beaucoup d’égards sur le terrain philosophique de notre âge et agiter des questions contemporaines.

Rendons tout d’abord à Proclus la justice de reconnaître qu’il repousse catégoriquement la doctrine du hasard. Avant lui, Platon dans les Lois, Aristote dans la Physique, Plotin dans la troisième Ennéade, avaient écarté cette absurde explication de l’origine des êtres. Ils avaient compris que, le hasard n’étant rien ou n’étant qu’un accident fortuit, il répugnait à la raison de rendre compte par ce vain mot de l’ordre universel. Même à sa dernière heure, la philosophie grecque se révoltait contre un pareil non-sens, et Proclus déclarait qu’admettre le hasard, c’est renoncer à la science. On n’oserait plus aujourd’hui essayer de ramener dans la discussion des grands problèmes ce chimérique fantôme du hasard, si cher à certains matérialistes du siècle dernier ; mais, qu’on le sache ou non, on l’évoque d’une autre manière quand on supprime les causes et la métaphysique, ou bien quand on n’admet que des séries indéfinies de phénomènes dont chacun n’est que l’effet du précédent, sans que la chaîne se puisse terminer à un premier principe qui soit cause sans être effet. Proclus croit à quelque chose d’incorporel qui n’a pas été produit et qui a produit tout ce qui existe. Par là, il appartient à la grande famille des métaphysiciens spiritualistes, et jusque-là il est platonicien.

Il est encore métaphysicien spiritualiste en cet autre point qu’il fait de la psychologie la base de la théodicée. Il enseigne que l’âme doit se connaître elle-même et qu’elle possède dans sa propre nature de quoi s’élever jusqu’à Dieu. Plus la science marche, plus elle s’assure que cette route est la bonne ; mais il faut la bien suivre, tandis que Proclus ne tarde guère à l’abandonner. Son siége est fait d’avance : sa doctrine sur Dieu, il a beau dire qu’il la cherche, elle est toute trouvée. Dieu est l’unité pure : la connaissance de l’âme doit nous conduire à Dieu ; nos facultés devront donc nous conduire, bon gré, mal gré, à l’unité pure. De là cette théorie, qui avait quelques racines dans le passé, mais que Proclus pousse à outrance et qui consiste à soutenir que le semblable est connu par