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Dans les jours de fête où l’on ne travaille ni pour soi ni pour le gain, on est heureux d’aider les maisons qui n’ont pas assez de bras pour terminer leurs travaux. Ces joyeuses expéditions se nomment des moba, et les mobaroche vont en chantant faire leur besogne chez des hôtes qui les traitent avec l’hospitalité que des personnes moins utiles et même les étrangers sont assurés de trouver sous le toit des braves enfans de la Serbie.

L’amour du plaisir, la cordialité et l’hospitalité, qui sont les traits caractéristiques de tout paysan serbe, se manifestent surtout quand on célèbre la fête du patron du village ou d’une rodja. Cette solennité rappelle les agapes fraternelles des temps primitifs, et sourit singulièrement aux Serbes buveurs. Dans ces festins, auxquels prélude un cérémonial religieux assez compliqué, chacun occupe la place que lui mérite son rang ou son âge, et les règles de l’hospitalité slave sont rigoureusement respectées. Les hôtes sont assis immédiatement après le prêtre et le staréchina du village. Dans la crainte que l’ignorance des usages du pays n’empêche quelque étranger de prendre part à la fête, on envoie deux ou trois jeunes gens sur la place pour inviter ceux qui pourraient s’y trouver. N’est-ce pas là ce festin vraiment évangélique où le roi fait venir les conviés de la plus humble condition, ramassés dans les rues et dans les carrefours ? On voit qu’on est ici chez un peuple qui, sans être capable d’établir sur l’Évangile les constructions ingénieuses, mais fantastiques, des théologiens du moyen âge, s’est attaché surtout à conserver dans ses fêtes et dans ses habitudes hospitalières la tradition fraternelle qui est l’essence même des enseignemens du Christ.

Le repas est animé par d’amicales conversations et par les toasts. Les staréchina, fidèles à l’ordre consacré et aux formules reçues, boivent à la santé des « maisons, » des rodja, du village, de la nation serbe, du « chef suprême » (le prince), etc. Peu pressés d’abréger des conversations où ils s’entretiennent des grands événemens qui occupent encore les imaginations, les vieillards restent longtemps à table ; mais la jeunesse préfère la danse au vin et aux longs discours. Elle n’attend pas que les vieillards aient fini pour commencer la danse. Quand ils se lèvent, l’animation redouble : le kolo, le chant des filles deux à deux, le tir, la course, la lutte, le saut, se partagent les assistans.

Le kolo dont il est si souvent question dans les pesmas, est une des distractions favorites de la jeunesse serbe. Cette ronde change de physionomie selon l’âge et le caractère des femmes qui y prennent part. Tantôt une jeune vierge n’y paraît que pour faire admirer sa modestie, tantôt l’épouse d’un Bosniaque y trouble les cœurs par l’expression qu’elle donne à tous ses mouvemens. Voici un exemple du charme irrésistible que déploie, la danseuse dans le