trois premiers sont ceux des trois frères Merniavtchévitch, et le quatrième est celui du tsarévitch Ouroch. Le poète, pour nous faire mieux comprendre les fureurs sauvages des chefs serbes, nous montre les trois frères Merniavtchévitch se disputant l’empire dans une attitude menaçante et disposés à se percer de leurs poignards d’or. Le timide héritier d’Etienne le Puissant, effrayé de leurs fureurs, n’ose pas même réclamer le trône de son père. Cependant on s’avise, pour terminer un différend dont les conséquences semblent graves aux plus aveugles, de s’enquérir du testament de Douchan. Les quatre prétendans envoient donc chacun un tchaouch (héraut) au protopope Nédelko, qui a entendu la dernière confession du tsar et qui conserve les « lettres impériales. » Les quatre « ardens » messagers arrivent à Prisren ; mais le prêtre est à l’église pour dire les matines et la messe. Ici se passe une scène qui seule donne une idée de la violence des mœurs féodales. Les messagers « insolens des insolens » entrent à cheval dans le temple du Seigneur, ils font claquer leurs fouets tressés et en frappent le protopope. En les écoutant, on croit entendre les terribles chevaliers de Normandie qui tuèrent au pied des autels Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry. « Allons vite, s’écrient-ils, protopope Nédelko, — viens à l’instant sur la plaine de Kossovo, — pour que tu y déclares à qui appartient le trône, — car tu as donné la communion — au glorieux tsar et reçu sa confession, — et de plus tu possèdes les lettres impériales. — Viens, si tu ne veux à l’instant perdre la tête ! » En écoutant ces discours, on comprend pour quel motif « les lois et ordonnances » (zakov i oustav) du tsar Etienne insistent si fortement sur le respect des clercs. Le protopope, au lieu d’invoquer « les ordonnances, » engage les messagers à respecter « le service divin, » et quand il est terminé, il leur conseille d’aller à Prilip (Albanie) consulter le fils de Voukachin, Marko Kralievitch, qui a été « scribe chez le tsar » et qui conserve les « lettres impériales. »
La colère des Serbes est moins longue que violente. Calmés par les paroles du prêtre, les tchaouchs partent pour Prilip. En présence de Marko, ils se montrent aussi humbles qu’ils avaient été arrogans devant le prota (nom populaire d’un archi-prêtre), Ils l’appellent « seigneur » et « s’inclinent avec respect. » Marko, après avoir écouté attentivement les messagers, rentre dans sa maison et appelle sa mère Euphrosine. Les chants qui se rapportent à l’époque glorieuse de l’empire serbe nous montrent plus d’une fois la femme exerçant une influence que les idées et les mœurs turques devaient lui faire perdre. Pouvait-on la mépriser comme une esclave au temps où Etienne le Puissant n’avait pas de meilleur conseiller ni de coopérateur plus énergique que la tsarine Hélène ? Les recommandations d’Euphrosine, dignes d’une mère Spartiate ou d’une matrone romaine,