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À la fin de sa vie, il se démit de ses fonctions pour faire un pèlerinage au mont Sinaï. À son retour, il visita Jean Asan, chef de ce royaume valaco-bulgare qui, jouait alors un si grand rôle dans la péninsule. Saint Sava mourut à la cour du prince roumain, le 12 janvier 1237. Louis IX, roi de France, qui venait d’être déclaré majeur en 1236, allait le remplacer dans le monde chrétien.

Il était impossible que les tendances mystiques d’Etienne Ier et de Sava ne soulevassent point des objections parmi les chefs belliqueux de la Serbie. Joinville nous donne dans ses Mémoires une idée fort exacte des résistances que le rude génie des chevaliers français opposait aux aspirations monastiques de Louis IX. Un chant nous a conservé la trace de l’impression que produisaient parmi les Serbes tant de fondations religieuses et tant de trésors employés à des œuvres dont l’utilité ne semblait pas évidente à toutes les intelligences. Le poète nous montre les chefs chrétiens tenant conseil près de la blanche église de Grachanitza. « Que sont devenus, disent-ils, les trésors du roi Nemania, sept tours remplies d’or et d’argent ? » Le Nemanitch Sava, qui se trouve parmi eux, se charge de leur donner des explications. En s’adressant aux « nobles chefs, » on voit qu’il comprend la nécessité de ménager l’orgueil d’une féodalité encore peu habituée à l’unité de la monarchie. Si son père « le bienheureux » n’a pas prodigué ses richesses pour acheter des massues garnies d’acier, des sabres et des lames de bataille, ni pour parer richement les coursiers, il a fondé, pour le salut de son âme, de celle de sa mère et de son fils, les trois plus célèbres monastères que possède la Serbie : Vilindar, Stoudénitza et Milieschevka. Les Slaves sont essentiellement mobiles. Les chefs, satisfaits de la déférence montrée par le fils d’Etienne, au lieu de continuer leurs murmures, font des vœux ardens pour le Nemanitch Sava et pour l’âme de son père. Une fondation entreprise dans l’intérêt de l’âme (doucha) finissait toujours en ce temps-là par être acceptée. Si les Orientaux ne croient pas au purgatoire, ils admettent la mitigation des peines de l’enfer, et ils peuvent par conséquent prier pour les morts, sans tomber dans la contradiction qu’on leur reproche si volontiers en Occident.

Les règnes qui suivirent Etienne Ier Nemania jusqu’à Etienne VIII Douchan, « empereur de Roumélie et tsar de la Macédoine » au XIVe siècle, ne furent pas assez célèbres pour attirer l’attention des poètes populaires. Malgré le pompeux surnom de Grand, Etienne III n’avait ni l’énergie ni les lumières de sa femme Hélène, princesse d’origine française, dont les historiens serbes font le plus grand éloge, et à qui l’archevêque Daniel attribue la fondation de nombreuses écoles. En revanche, Etienne Douchan, le Charlemagne de la Serbie, porta si haut (1336-59) la gloire de son peuple, que