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sa carrière à Vilindar, un des couvens du mont Athos, qui appartient encore aux Serbes. Ses reliques, furent apportées à Stoudénitza (1203), édifice fameux situé dans la principauté de Serbie, par Ratsko, un de ses fils, célèbre sous le nom de saint Sava. Stoudénitza s’appela dès lors le lavra (monastère) de Saint-Siméon. D’après le chant populaire où il est parlé de la fondation de Vilindar et de Stoudéhitza, il faudrait aussi faire remonter au roi Etienne Ier la construction de Milieschevka, bâti sur un rocher escarpé de l’Hertzégovine, que d’autres attribuent à saint Sava, qui y fut enterré. Ce personnage, en si grande estime parmi les Serbes qu’on le voit dans une circonstance solennelle siéger à côté de Panaghia, a puissamment secondé son père dans son œuvre d’organisation politique et religieuse. On trouve chez lui pour les caloyers de la Montagne-Sainte la même admiration que les princes occidentaux du XIIIe siècle, un saint Louis, une sainte Elisabeth, avaient pour les premiers disciples de saint François. En Orient, les moines du mont Athos exerçaient à peu près la même influence que les franciscains en Occident. Leur république monastique attirait les regards des souverains et des peuples. Ils allaient sans cesse chercher des aumônes dans les cités et dans les villages de la péninsule orientale. Ils pénétraient jusqu’au sein des cours, où ils racontaient les merveilles de la « Montagne-Sainte. » Fallmerayer[1], peu suspect d’enthousiasme, raconte qu’il a subi lui-même l’impression du calme qu’on goûte dans cette admirable contrée, loin des troubles qui agitent la société moderne. Combien cet attrait, naïvement décrit dans les légendes du bouddhisme, devait être plus vif dans ce monde du moyen âge livré aux caprices de la force ! Un moine serbe qui vint à Pristina fit au jeune Ratsko un tableau si frappant de la vie méditative dont on jouissait au mont Athos, que, sous prétexte d’aller à la chasse, le prince s’enfuit en Macédoine. Lorsque le roi eut, après de longues recherches, découvert la retraite de son fils, il lui envoya plusieurs seigneurs pour le décider à la quitter. À l’aide d’une ruse qui donne bien une idée du christianisme de cette époque, le nouvel ascète les fit boire et profita de leur ivresse pour prononcer ses vœux. Il n’oubliait pas toutefois dans sa retraite les intérêts de son pays. Devenu archimandrite malgré sa jeunesse, il entreprit plus tard le voyage de Constantinople et profita de la confiance qu’il avait inspirée aux moines grecs pour obtenir du patriarche œcuménique la création d’un archevêque serbe, autorisé à sacrer les évêques indigènes. Au commencement du XIIIe siècle (1219), il fut lui-même élu archevêque d’Oujitza, et c’est en cette qualité qu’il couronna son frère Etienne II et ses deux successeurs, Etienne III et Vladislas.

  1. Voyez sur Fallmerayer la Revue du 1er novembre 1862.