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II. — PERIODE DES TSARS.

Comparés aux Hellènes et aux Roumains, les Serbes sont une jeune nationalité, et cependant eux aussi ont constamment leurs regards tournés vers le passé. On ne s’en étonne guère quand on lit dans les pesmas le tableau épique de cet empire serbe que la maison d’Autriche et la Turquie ont mis en lambeaux, et qui est si peu oublié que des millions d’hommes, comme l’attestent MM. Grouïtch et Yankovitch, se posent chaque jour cette question : « quand viendra l’empire serbe ? » Cet empire, renversé par les Turcs, était l’œuvre de plusieurs générations intrépides. Avant leur arrivée, le territoire qu’elles occupèrent avait été habité par divers peuples. Dans les temps les plus reculés, on y trouve des populations thraces ou illyriennes ; puis vinrent les Romains, qui nommèrent ce pays Haute-Mœsie. Au temps de l’invasion des barbares, différentes nations s’y succédèrent. Les Avares s’en étant emparés au commencement du VIIe siècle, l’empereur de Constantinople Héraclius appela les Serbes. Lorsque ceux-ci, répondant à son appel, eurent chassé les Avares, ils s’organisèrent en divers districts gouvernés par des zoupans (chefs de tribus) plus ou moins soumis, selon les circonstances, à la suzeraineté de l’empire. Quoique Héraclius eût déjà tenté de les faire entrer dans l’église orientale, ils ne se convertirent complètement que sous l’empereur Basile Ier le Macédonien ; mais leur conversion ne les attacha pas aux césars de Byzance. Des luttes intérieures ou des guerres contre les Hellènes occupèrent leur activité jusqu’à l’époque où Etienne Ier Nemania, fils de Tchoudomil, fondateur de la glorieuse dynastie des Nemanitch, après avoir définitivement secoué le joug des empereurs, prit le titre de prince des Serbes (1165) et réunit toutes les zoupanies en une seule, qui porta le nom de royaume.

Etienne ou Stéphân Ier Nemania est le saint Louis de la Serbie. Comme lui, il contribua par une sage administration à la grandeur de l’état ; comme lui, il montra beaucoup d’ardeur contre les « hérétiques » et aima les moines passionnément ; comme lui, il se montra jaloux des droits de l’église nationale ; comme lui enfin, il a été, après sa mort, compté au nombre des bienheureux. Le « saint roi » (sveti krâl), — ainsi que le nomment les Serbes, — fonda un grand nombre de monastères et d’églises. Les souverains de la Serbie attachaient en général tant d’importance à ces fondations, qu’ils ont dépassé à cet égard les souverains occidentaux les plus connus par leur zèle pour les constructions religieuses. Etienne ne se borna point à construire des monastères. Devenu caloyer sous le nom de Siméon qu’on lui donne maintenant, il voulut terminer