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ensuite leur attention vers cette curieuse littérature. Les écrivains serbes eux-mêmes ont pris soin dans ces derniers temps d’alimenter par d’intéressantes publications cet esprit de savantes recherches, et le monde lettré de l’Occident peut aujourd’hui, grâce à cet ensemble de travaux divers, se faire une idée exacte du genre de génie poétique et des sources d’inspiration d’où procèdent les chants populaires de toute la Slavie méridionale.


I. — PERIODE PRIMITIVE.

Rien n’est plus aisé que de retrouver dans les chants populaires de la Grèce et de la Roumanie les traditions toujours vivantes du polythéisme de la race pélasgique. Dans les ballades roumaines, il suffit de citer le Soleil et la Lune (Soarele si Luna) pour montrer la persistance des dogmes de l’ancien paganisme. Il ne semble pas d’abord aussi facile de reconstruire le polythéisme slave à l’aide des pesmas. D’abord cette forme des religions antiques est moins connue que le culte des Hellènes et des Latins et même que le paganisme germanique[1]. La religion des anciens Slaves a dû cependant suivre la même marche que toutes les autres religions. Après avoir commencé par l’adoration des forces physiques, qui, saisissant vivement l’imagination des hommes des premiers âges, leur apparaissaient comme divines, elle subit des transformations

  1. Malgré les travaux de Lelewel, de Kollar, de Schafarik, de Maciojowski et de Kamsich, la « science du mythe slave » est bien loin d’être complète. Les Slaves ne possèdent point de recueils analogues aux Eddas, qui puissent servir de point de départ pour combler les lacunes ; en outre ils n’ont pas l’ardeur scientifique ni l’esprit investigateur de l’Allemagne. Quoique M. Karadjich ait ajouté à sa collection de chants d’autres publications intéressantes, telles que les Proverbes serbes (Vienne 1849, 2e édit.) et les Contes populaires serbes (ibid. 1853), contes traduits en allemand par sa fille, la Slavie méridionale attend encore, ainsi que les autres contrées de la péninsule orientale, les hommes qui appliqueront à ses antiques traditions les procédés féconds de la science occidentale. La critique doit donc se borner à signaler, à l’aide des pesmas, les traits principaux du mythe serbe.