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ordinaire aux gens de cette sorte, s’opposaient à la levée des droits dont ils n’avaient pas été exemptés. » Jusqu’en 1537, on laissa ouvert à Ferrare un champ clos où le duel à mort était accordé même aux étrangers, et où les petits garçons venaient se battre à coups de couteau. La princesse de Faenza lance quatre assassins contre son mari, et, voyant qu’il résiste, saute du lit et le poignarde elle-même, sur quoi son père prie Laurent de Médicis de solliciter auprès du pape pour lever les censures ecclésiastiques, alléguant qu’il a la pensée de « la pourvoir d’un autre mari. » — Le prince d’Imola est assassiné et jeté par les fenêtres, et on menace sa veuve, enfermée dans la forteresse, de tuer ses enfans, si elle ne la livre. Elle monte sur les créneaux et répond, avec le geste le plus expressif, « qu’il lui reste le moule pour en faire d’autres. » Considérez encore les spectacles qu’on a tous les jours dans Rome. « Le second dimanche, un homme masqué dans le Borgo dit des paroles offensantes contre le duc de Valentinois. Le duc, l’ayant appris, le fit saisir : on lui coupa la main et la partie antérieure de la langue, qui fut attachée au petit doigt de la main coupée. » — « Les gens du même duc suspendirent par les bras deux vieillards et huit vieilles femmes, après avoir allumé du feu sous leurs pieds, pour leur faire avouer où était l’argent caché, et ceux-ci, ne le sachant pas ou ne voulant pas le dire, moururent dans ladite torture. » Un autre jour, le duc fait amener dans la cour du palais des condamnés (gladiandi), et lui-même, revêtu des plus beaux habits, devant une assistance nombreuse et choisie, les perce à coups de flèche. — «… Il tua aussi, sous le manteau du pape, Perotto, qui était favori du pape, en telle façon que le sang sauta à la face du pape. » On s’égorgeait dans cette famille. Il avait déjà fait assaillir a coups d’épée son beau-frère, et le pape faisait garder le blessé ; « mais le duc dit : Ce qui ne s’est pas fait à dîner se fera à souper… Et un jour, le 17 août, il entra dans la chambre, comme le jeune homme se levait déjà, fit sortir sa femme et sa sœur ; ayant appelé trois assassins, il fit étrangler ledit jeune homme… Il tua encore son frère, le duc de Gandie, et le fit jeter dans le Tibre. » Et comme on demandait au pêcheur qui avait vu la chose pourquoi il n’en avait rien dit au gouverneur de la ville, cet homme répondit « qu’en sa vie il avait vu, à différentes nuits, jeter plus de cent corps au même endroit, sans que personne en eût jamais pris souci. »

Tout cela prend corps et relief lorsqu’on lit les mémoires de Cellini. Aujourd’hui nous nous sommes si bien remis aux mains de l’état, et nous comptons tellement sur le juge et sur le gendarme, que nous avons peine à comprendre le droit naturel de guerre par