le plus beau, est le Joueur de violon de Raphaël. C’est un jeune homme en barrette noire, en manteau vert, avec un collet de fourrure et de grands cheveux bruns tombans. On a bien eu raison de déclarer Raphaël le prince des peintres : impossible d’être plus sobre, plus simple, de comprendre la grandeur plus naturellement et avec moins d’effort. Ses fresques ternies, ses plafonds écaillés ne le montrent pas tout entier ; il faut voir des morceaux où, comme ici, le coloris n’a pas souffert, et où le relief est intact. Le jeune homme tourne lentement la tête et regarde le spectateur ; la noblesse et le calme de cette tête sont incomparables, et aussi sa douceur et son esprit ; on ne peut pas imaginer un être plus beau, plus fin, plus digne d’être aimé. Il est tellement sérieux qu’on lui croirait une nuance de tristesse ; la vérité est seulement qu’il est au repos et qu’il a l’âme noble. Plus on regarde Raphaël, plus on sent qu’il avait une âme tendre et généreuse, semblable à celle de Mozart, celle d’un homme de génie qui a déployé son génie sans peine et toujours vécu parmi des formes idéales ; il est resté bon, comme une créature supérieure qui traverserait sans les subir les misères et les bassesses de la vie.
L’autre tableau est le portrait d’une maîtresse de Titien, noble aussi et calme comme une statue grecque ; elle a posé une main sur un écrin, et l’autre main touche ses magnifiques cheveux, qui retombent jusque sur son col. La chemise flotte, blanche et plissée ; une grande draperie rouge s’enroule tordue autour des épaules. Quelle sottise que de comparer les deux peintures et les deux peintres ! Est-ce que le meilleur n’est pas de jouir par eux de tous les aspects de la vie ?
Deux Madeleines du Guide.— Ici on fait la comparaison malgré soi ; on quitte tout de suite cette peinture molle, blanche, qui semble faite sans idée et à la mécanique.
Je trouve qu’un des chefs-d’œuvre de cette galerie, peut-être le plus grand, est la Modestie et la Vanité de Léonard de Vinci ; ce ne sont que deux figures de femmes dans un fond sombre. Ici, et comme par contraste, ce qu’il y a d’idées est incroyable. Cet homme est le plus profond, le plus pensif de tous les peintres, un penseur raffiné qui a des curiosités, des caprices, des délicatesses, des exigences, des sublimités, peut-être des tristesses au-delà de tous ses contemporains. Il a été universel, peintre, sculpteur, architecte, machiniste, ingénieur ; il a deviné les sciences modernes, pratiqué et marqué leur méthode avant Bacon, inventé en toutes choses jusqu’à paraître bizarre aux hommes de son siècle, percé et poussé en avant, à travers les siècles et les idées futures, sans jamais s’enfermer dans un art ni dans une occupation, sans jamais se contenter