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semé de bâtimens de tout genre. À l’entrée est un portique égyptien du plus mauvais effet ; c’est quelque importation moderne. L’intérieur est plus harmonieux et tout classique : ici un péristyle, là un petit temple, plus loin une colonnade en ruine, un portique, des balustres, de grands vases ronds, une sorte de cirque. Le terrain onduleux courbe et relève de belles prairies toutes rouges d’anémones molles et tremblantes. Les pins, séparés à dessein, profilent dans l’air blanc leur taille élégante et leur tête sérieuse. Aux détours des allées, les fontaines bruissent, et dans les petites vallées les grands chênes encore nus dressent leurs vaillans corps de héros antiques. J’ai été élevé et nourri dans le nord ; tu devines qu’à leur aspect j’oubliais toutes les beautés de Rome, que les fabriques et les églises n’étaient plus rien auprès de ces vieux êtres noueux, de ces grands combattans de mes chères forêts qui allaient revivre, et dont le vent moite appelait déjà les pousses. Ils délassent délicieusement des monumens et des pierres. Tout ce qui est humain est voulu, et à ce titre fatigue ; les lignes des bâtimens sont toujours raides ; une statue, un tableau n’est jamais qu’un spectre du passé ; les seules choses qui donnent un plaisir parfait sont les êtres naturels, en train de se faire et de se transformer, qui vivent, et dont la substance, pour ainsi dire, est coulante. On reste ici des après-midi entières à regarder les chênes-lièges, la vague teinte bleuâtre de leur verdure, leurs rondeurs aussi amples que celles des arbres de l’Angleterre ; il y a ici une aristocratie comme là-bas, seule la grande propriété héréditaire peut sauver de la cognée les beaux arbres inutiles. À côté d’eux, les pins-parasols, droits et cannelés comme des colonnes, portent leur coupole dans le pacifique azur ; on ne se lasse pas de suivre ces rondeurs qui se suivent et se mêlent, le petit frémissement qui les agite, la courbure gracieuse de tant de nobles têtes éparses au milieu de l’air transparent. De distance en distance, un peuplier rouge de bourgeons allonge au milieu d’eux sa pyramide vacillante. Peu à peu le soleil baisse ; des chutes de clartés illuminent les troncs demi-blanchis, les pentes gazonnées pleines de pâquerettes fleuries. Le soleil baisse encore, et les vitres du palais flamboient ; des rougeurs étranges se posent sur les têtes des statues, et l’on entend dans le lointain des airs de Bellini, une musique vague apportée par les intervalles de la brise.

Villa Ludovis.

Toutes ces villas ont leur collection d’antiques. Celle de la villa Ludovisi est une des plus belles ; on a bâti exprès un pavillon pour la loger. Depuis Laurent de Médicis, la possession des antiquités