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ceux qui ont le plus contribué à produire le mal qui sont les plus ardens à se plaindre, comme nous le voyons aujourd’hui, et qui dénoncent comme une cause de perturbation l’emploi du remède qu’ils ont rendu nécessaire. Nous avons cependant confiance que nous ne verrons pas se reproduire souvent désormais des récriminations semblables à celles que vient d’exhaler M. Isaac Pereire. Ce cri de guerre, poussé bien moins contre la corporation financière qui s’appelle la Banque de France que contre les procédés sains et les garanties tutélaires de l’industrie des banques, provoquera, nous l’espérons, des réponses décisives et définitives dans la presse et au sein des chambres. Le gouvernement de son côté, quoiqu’il laisse peut-être le champ trop libre aux entreprises brillantes, mais téméraires de M. Haussmann, semble avoir compris qu’il fallait se garder de donner une nouvelle impulsion artificielle au mouvement des travaux publics. M. Fould a rarement rencontré, depuis sa rentrée au ministère des finances, des chances favorables. On doit lui savoir gré cependant de la fermeté avec laquelle, en homme qui a étudié les questions de crédit et de banque à l’école de sir Robert Peel, il a maintenu, dans les dernières épreuves, les bons principes pratiqués par la Banque de France. On doit aussi le féliciter d’avoir résisté à ces projets de travaux publics auxquels on voulait consacrer, sous des formes mal expliquées, des emprunts énormes, comme s’il se fût agi, selon un mot récent et tout à coup devenu célèbre, d’haussmaniser la France. Une note publiée ces jours passés au Moniteur nous a informés, à la grande satisfaction du public financier, que l’allocation attribuée aux travaux publics pour 1866 ne dépasserait pas les ressources du budget, et ne déterminerait par conséquent aucune opération nouvelle de crédit.

Le grand et retentissant événement du jour est l’encyclique du pape. Au premier abord, nous aurions voulu croire que la manière la plus politique et la plus douce d’accueillir ce pénible document était de le considérer comme une œuvre d’exagération routinière et professionnelle et de le traiter avec une légèreté bienveillante et volontairement oublieuse. — Le bon curé de votre village, piqué par je ne sais quelle mouche, fait un beau dimanche une prédication furibonde. Vous avez l’honneur ce jour-là de le recevoir à votre table, et tandis qu’il déguste un bon vin, vous lui dites : « Peste ! monsieur le curé, vous avez fait ce matin le diable bien noir, et vous damnez les gens de la belle façon ! — Je fais mon devoir à l’église, réplique le curé en posant son verre ; mais vous voyez que dans la société je ne suis point farouche. » Et la chose finit là et s’oublie dans un franc rire. — Nous eussions voulu le prendre sur ce ton avec le saint-père comme avec le premier et le meilleur des bons curés du monde. Aussi bien il nous est difficile d’associer les excentricités de l’encyclique avec le bénin et souriant visage de Pie IX. Ce pape-là n’en doit vouloir qu’au péché et ne doit pas repousser le pécheur. Par exemple, il anathématise, d’ac-