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REVUE MUSICALE

FAUST. - REPRISE DE MIREILLE.

La sonorité, les accords, la modulation, le rhythme, l’instrumentation, ne sont que des moyens extérieurs sans doute, mais ce sont là, de notre temps, des moyens très puissans et à l’aide desquels tout homme intelligent et possédant à fond sa théorie parviendra à produire une musique qui, sans être vraiment œuvre de maître, en aura aux yeux du monde tous les semblans. C’est l’histoire du Faust de M. Gounod, un opéra très réussi où l’idée manque, une musique de seconde main écrite par un musicien d’un ordre éminent. Entendons-nous d’abord sur ce mot idée, qui, en musique, ne veut pas dire seulement pensée, thème, motif, mais doit, selon nous, s’appliquer à quelque chose de bien autrement significatif et transcendant. Comme ces étoiles qui percent tout à coup l’immensité du bleu où nul corps planétaire n’apparaissait, et dont l’irradiation instantanée vous éblouit, l’idée éclate. Avant que vous ayez pu vous reconnaître, elle vit ; la voilà devenue verbe, ton, image, et se manifestant à vous sous une forme tout humaine, — si bien qu’elle vous communique à vous public des sensations exactement semblables à celles qu’elle a fait éprouver à son créateur. Ici nous avons mis le doigt sur le point vraiment critique de la partition de M. Gounod, attendu que ces sensations de l’idée faite œuvre, ce n’est pas à sa musique qu’il faut les demander, mais à l’inspiration primordiale, au poème de Goethe, source génératrice de ce grand succès comme de tant d’autres en musique, en poésie, en peinture. Je ne veux point médire du talent de M. Gounod, auquel je reconnais des qualités exquises. M. Gounod est un artiste, un délicat ; celui-là du moins connaît les maîtres,