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était montée en 1856 à 1,268,305,810 marks banco[1]. Dans les dix premiers mois de 1857, la spéculation avait accumulé dans les magasins des quantités énormes de denrées coloniales achetées à des prix d’un tiers plus élevés que d’ordinaire. Hambourg était non-seulement une très importante place de commerce, c’était aussi une vaste banque qui se chargeait de la négociation et du recouvrement de toutes les traites du nord Scandinave. Pour faire face à ces immenses opérations, beaucoup de capitalistes et de commissionnaires avaient recours au dangereux expédient du crédit fictif fondé sur du papier de complaisance. La situation du marché était donc déjà critique. Le terrain était miné, et un ébranlement un peu sérieux devait suffire pour causer les plus graves catastrophes. La crise éclata quand elle diminuait déjà d’intensité à Londres, après la suspension de l’act de 1844. La faillite d’une maison établie en Angleterre, et qui faisait de grandes affaires avec tout le Nord, produisit le premier choc ; la secousse fut terrible. En moins d’une semaine, la situation sembla désespérée : on ne comptait plus les banqueroutes ; tout le monde était devenu insolvable. On essaya de tous les moyens pour rétablir le crédit ébranlé, sans pouvoir y réussir ; association pour l’escompte, prêts en bons d’état sur marchandises, nomination d’administrateurs pour les maisons embarrassées, rien ne parvint à calmer la panique. Pendant quinze jours, on eût dit une ville prise d’assaut. Enfin le salut arriva d’où certes on n’aurait pas dû l’attendre, de l’Autriche, réduite elle-même depuis si longtemps à l’extrémité du papier-monnaie ; mais précisément parce qu’elle n’était pas tenue au remboursement de ses billets à cours forcé, elle pouvait se passer de son métal, et elle prêta à Hambourg 10 millions de marks banco, qu’elle envoya par un train spécial aussi richement chargé qu’un galion du Mexique. Cet argent fut employé à faire des avances aux principales maisons qui allaient succomber, et dès ce moment la confiance revint un peu. Déjà, à la fin de décembre, l’escompte était ramené au taux habituel. Quand on fit le relevé des désastres occasionnés par la crise, on trouva 145 faillites avec un passif de près d’un demi-milliard de francs, dont une grande partie, il est vrai, fut payée plus tard. Par le contre-coup, tout le nord Scandinave fut secoué et ravagé, et maintenant encore on ne s’y rappelle qu’en frémissant la terrible année 1857. À Copenhague, à Stockholm, à Christiania, dans le Slesvig-Holstein, les banqueroutes furent relativement aussi nombreuses qu’à Hambourg. Dans le Danemark seul, on en compta 200, dont 77 pour Copenhague. La plupart des villes de l’Allemagne, Leipzig,

  1. Le mark banco vaut 1 franc 87 centimes.