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l’équateur, à Java et au Brésil. À mesure que les moyens de communication étaient devenus plus faciles, plus économiques, la chaîne du crédit réciproque avait lié plus étroitement les unes aux autres les grandes places de commerce. Une union plus intime rattachait tous les intérêts, et un profond ébranlement à l’une des extrémités devait nécessairement se communiquer à l’autre, comme on verra bientôt l’étincelle électrique faire vibrer du même coup les deux hémisphères.

La révolution de février, malgré les embarras locaux qui en furent la suite, n’amena pas de crise véritable, parce que les événemens de cette époque n’eurent guère d’action sur les échanges internationaux. Quand le monde des affaires se fut remis de la secousse, les flots d’or de l’Australie et de la Californie ne tardèrent pas à lui imprimer un prodigieux essor. Pendant les neuf années de 1848 à 1856, on estime que ces deux pays seuls envoyèrent en Europe plus de 4 milliards de francs. En 1856 seulement, l’Angleterre reçut en métaux précieux, or et argent, une valeur de 25,643,600 livres sterling. Ces 4 milliards, répandus en si peu de temps dans la circulation européenne, eurent pour effet immédiat de stimuler extraordinairement la production et l’esprit d’entreprise. Ce fut, comme d’habitude, l’Angleterre qui donna le branle au mouvement d’expansion. Pendant l’année 1852, l’intérêt tomba de nouveau à 2 et même à 1 1/2, et les consolidés atteignirent le pair. Aussitôt de nouvelles compagnies se formèrent pour absorber le capital surabondant. Cette même année, dans l’espace de cinq mois, on en vit s’établir 153, exigeant des versemens pour une somme de plus d’un milliard de francs. La construction de nouvelles lignes de chemins de fer absorba, de 1852 à 1857, encore au moins 5 milliards. Les autres industries se développèrent dans la même proportion. La production du fer, de la houille, des étoffes de laine et de coton, augmentait avec une rapidité prodigieuse. Le commerce porta le mouvement de ses affaires, importations et exportations réunies, de 3 milliards en 1848 à 7 milliards de francs en 1856. Ce merveilleux accroissement de richesse dans toutes les branches permit à l’Angleterre de faire face, sans difficultés apparentes, à la dépense de 2,300,000 livres sterling qu’exigea la guerre avec la Russie. Les arrivées mensuelles de l’or des placers comblaient les vides que faisaient de temps en temps les remises à effectuer en Orient. Cependant dès la fin de 1855 il fallut protéger, par un escompte élevé à 7 pour 100, un encaisse réduit à 11 millions de livres sterling s et l’année d’après, à la même époque, la réserve métallique étant tombée à 9 millions, l’intérêt fut de nouveau porté à 7 pour 100.

En France, pendant la même période 1848-1856, proportionnellement l’expansion n’avait pas été moindre. Les entreprises de chemins