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être interprétée que de la manière la plus défavorable pour la politique de l’Autriche ; il était difficile de la concilier avec les déclarations antérieures du cabinet de Vienne. Le ministre français parlait ensuite de la vitalité de l’insurrection polonaise, de la certitude qu’elle pourrait se maintenir pendant l’hiver, et de la nécessité d’adopter une conduite décisive envers elle. Le cabinet des Tuileries avait fait tous ses efforts pour amener une solution pacifique, pour marcher d’accord avec l’Angleterre et l’Autriche ; mais maintenant que toutes les tentatives auprès de la Russie avaient échoué, et que les vues du cabinet de Saint-James étaient suffisamment connues, le gouvernement de l’empereur Napoléon se devait à lui-même et à la France de s’assurer des véritables intentions de la cour d’Autriche dans la question polonaise. Le duc de Gramont était chargé en conséquence de renouveler à M. de Rechberg de la manière la plus solennelle et la plus positive les garanties énoncées dans la dépêche du mois d’août, si le cabinet de Vienne se décidait à tenter, de concert avec celui des Tuileries, une action énergique en faveur de la Pologne. L’ambassadeur devait demander une réponse explicite. — Une pareille mise en demeure aurait-elle abouti, même si elle n’ait pas été traversée par l’incident du 5 novembre 1863 ? Certes on n’oserait l’affirmer, bien que le cabinet des Tuileries n’ait pas jugé inutile de répéter la démarche plus tard encore, à plusieurs reprises, et jusque dans les premiers mois de l’année suivante ; mais il était dit que toute ouverture sérieuse de M. Drouyn de Lhuys à M. de Rechberg devait être interceptée par une catastrophe imprévue, et, chose curieuse, cette catastrophe devait toujours prendre le nom d’un congrès quelconque. C’était le congrès des princes allemands, la subite initiative de l’Autriche à Francfort, qui avait englouti la communication faite par M. le duc de Gramont dans les commencemens du mois d’août. Dans ces derniers jours du mois d’octobre, auxquels nous sommes arrivés, le même mot, le mot de congrès, d’un congrès européen, vint également couper court à la nouvelle communication dont était chargé M. de Gramont, et c’était la France qui maintenant prononçait ce mot.

L’importante dépêche de M. Drouyn de Lhuys venait à peine d’arriver dans la capitale de l’Autriche, que s’ouvrait en France la session législative (5 novembre 1863), et qu’un discours du trône changeait subitement la situation en annonçant un programme tout à fait nouveau. Dans ce discours demeuré célèbre, l’empereur constatait que lorsqu’éclata l’insurrection de Pologne, les gouvernemens de Russie et de France étaient dans les meilleures relations. Depuis la paix de 1856, les grandes questions européennes les avaient trouvés d’accord, et pendant la guerre d’Italie comme lors de