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s’être affaibli, s’était plutôt propagé dans les derniers temps, et les Polonais devaient facilement tenir tête aux Russes pendant l’hiver, pour peu que la frontière galicienne ne fût pas strictement fermée. En conséquence, M. Merkel, le directeur de la police à Cracovie, reçut avis « d’avoir à s’abstenir désormais » de relations plus intimes avec la police russe, relations qu’on lui avait recommandées quelques semaines auparavant, au moment de l’éclipse des rapports avec la France à la suite de l’entreprise de Francfort. Les autorités de la Galicie en général furent aussi invitées à ne plus signaler directement aux Russes les mouvemens des insurgés ; elles devaient « centraliser leurs rapports » à Vienne… La réponse du prince Gortchakov était arrivée sur ces entrefaites, et en même temps passait par Vienne le grand-duc Constantin, qui avait cédé la place au général Berg à Varsovie et voyageait depuis quelques semaines pour raison de santé. Peu favorable au système de répression qui, après avoir obtenu « d’heureux résultats » en Lithuanie, allait être maintenant inauguré dans le royaume, et devenu déjà très suspect aux patriotes moscovites pour son manque de dévotion envers Mouraviev, le grand-duc n’en était pas moins un prince russe, et il avait accepté de son frère le tsar une mission personnelle auprès de l’empereur François-Joseph. Il devait renouveler les représentations déjà faites à Gastein par le roi Guillaume Ier, insister sur le sincère désir de la Russie de renouer l’entente cordiale avec l’Autriche et sur les desseins, dangereux pour tous, que nourrissait évidemment la France. Il devait surtout demander à l’Autriche de prêter son concours moral au gouvernement russe en faisant surveiller d’une manière efficace la frontière de la Galicie, et en se déclarant satisfaite de la dernière réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg… La grande préoccupation du moment, c’était d’en finir avec l’insurrection pendant l’hiver, de ne pas la laisser arriver jusqu’au printemps. « Si le grand-duc réussit dans cette négociation, la question polonaise est résolue, » écrivait à cette époque M. de Bismark à l’un de ses agens à l’étranger. La négociation ne réussit point. François-Joseph répondit seulement qu’il ne cesserait pas de remplir ses devoirs internationaux envers la Russie, et qu’il continuerait, comme par le passé, à employer toute son influence pour l’arrangement des affaires de Pologne. M. de Rechberg fut beaucoup plus explicite ; il déclara au grand-duc qu’il était radicalement impossible que le gouvernement impérial se déclarât « satisfait » de la dernière réponse russe, qui n’était en définitive qu’un refus complet, et le ministre ajoutait que le gouvernement impérial s’était engagé d’une manière trop sérieuse avec les cabinets de Londres et de Paris dans cette question, pour faire une démarche qui ne pourrait que le compromettre, et