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Pie IX y félicitait l’empereur d’Autriche sur l’attitude qu’il avait adoptée dans la question polonaise ; mais sa sainteté ne se dissimulait pas l’inefficacité des démarches diplomatiques auprès de la Russie, cette dernière puissance n’ayant qu’un seul but, « l’extermination du peuple polonais et de l’église catholique. » Le saint-père ne méconnaissait pas la situation difficile du gouvernement de François-Joseph, il était même persuadé que « les gens pervers et les spoliateurs » voudraient profiter de la première complication venue pour attaquer l’Autriche en Italie et « réaliser leurs projets funestes contre le saint-siège ; » mais il était néanmoins convaincu que Dieu ne permettrait pas à ces hommes d’accomplir cette œuvre néfaste, et le chef de la chrétienté exprimait en conséquence l’espoir que le pieux fils des Habsbourg « prendrait hautement la défense d’un peuple héroïque et martyrisé et de l’église catholique menacée en Pologne. » Certes, pour peu qu’on veuille se placer au point de vue de la cour de Rome, de ses préoccupations et de ses craintes, on sera forcé d’avouer qu’un tel langage était empreint d’une véritable grandeur, qu’il était dicté par un esprit de charité et de désintéressement comme n’en avaient guère en 1863 les plus chaleureux même des amis de la Pologne. L’empereur François-Joseph parut touché de ces paroles : il remercia sa sainteté de l’approbation qu’elle venait de donner à sa politique ; il l’assura de ses vives sympathies pour ce malheureux pays, et que, tout en étant obligé de tenir compte des intérêts de l’Autriche, il ne cesserait pas d’agir en faveur de la Pologne. Il désirait que les affaires de Pologne reçussent une solution pacifique, mais une solution qui donnât satisfaction à sa nationalité et à son église.

D’un caractère tout différent, on le conçoit aisément, furent les considérations que venait faire valoir auprès du souverain de l’Autriche, vers ce même temps (à la fin de juillet), le roi Guillaume Ier en se rendant aux eaux de Gastein dans le Tyrol, où M. de Bismark ne tarda pas à le rejoindre. On se doute bien que ce ministre, tout en dirigeant principalement ses efforts vers Londres, n’avait pas négligé non plus d’agir directement sur le cabinet de Vienne. Dès le mois de mars, au moment même où le prince de Metternich s’acquittait à Vienne de sa grave mission, le président du conseil de Berlin avait rappelé, dans une dépêche adressée à son agent à Vienne, M. le baron de Werther, que pendant l’entrevue de Varsovie (en 1860) les trois souverains du Nord s’étaient engagés à s’opposer de concert à toute intervention armée en Pologne, et que la Prusse se reconnaissait liée par cet engagement : il demandait en conséquence au comte Rechberg de déclarer « sans réserve » si les dispositions du cabinet impérial n’avaient