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poursuivaient leur lutte armée, car on était à Paris assez au fait de la situation pour savoir qu’il suffisait d’un seul ordre venu de Vienne, de quelques mesures prises à Cracovie et à Léopol, pour couper aux Polonais leur unique base d’opération et étouffer l’insurrection dans un très court espace de temps. Or dans l’été de 1863 comme au printemps et dans les derniers mois d’hiver, avec plus ou moins de facilités ou d’obstacles, les détachemens insurgés continuaient à s’armer et à se ravitailler en Galicie, à s’y procurer des munitions et à y trouver refuge. Un mot piquant était prononcé tout récemment dans une des séances du reichsrath. Interpellés au sein de cette assemblée sur le régime pratiqué maintenant en Galicie, sur les condamnations innombrables que ne cessent d’y prononcer les tribunaux militaires, les ministres ont répondu, comme de raison, que ces mesures étaient de toute nécessité, attendu qu’une portion notable des habitans de cette province s’est gravement compromise dans la rébellion polonaise de 1863. « S’il y a eu quelqu’un de compromis en Galicie en 1863, — riposta un député, M. Grocholski, — cela ne peut être que le gouvernement lui-même. » Eh bien ! le gouvernement autrichien ne cessait de se compromettre pendant l’été de 1863, de faire preuve de cette connivence avec le mouvement polonais dont l’avait accusé dès l’hiver le directeur de la chancellerie diplomatique du grand-duc Constantin, — et il était impossible de n’y pas voir un symptôme assez grave de ses dispositions ou velléités. — Qu’après cela, et pour ce qui regardait les demandes de concessions et de réformes que les puissances formulaient collectivement en faveur de la Pologne, M. de Rechberg eût été très modeste et parcimonieux, qu’il se fût même appliqué à rogner autant que possible le programme de ses alliés et à réduire les six points presque à l’insignifiance, une telle réserve n’avait de quoi étonner ni dérouter outre mesure le cabinet des Tuileries. Au fond, la France elle-même n’attachait qu’un médiocre prix à des demandes qu’elle savait devoir être refusées, et elle trouvait, après réflexion, assez naturel que, pendant que tout se bornait encore aux remontrances amicales et pouvait finir par de vaines paroles, l’Autriche ne s’empressât pas d’exiger pour les sujets polonais de la Russie un meilleur sort que celui de ses propres sujets en Galicie. Tout cela ne préjugeait en rien sa conduite ultérieure dans le cas d’une entreprise sérieuse, tandis que, d’un autre côté, on constatait avec une certaine satisfaction que l’Autriche non-seulement repoussait les avances que lui faisait la Russie, mais qu’elle secondait le cabinet des Tuileries dans tous ses projets, invariablement, hélas ! déclinés par l’Angleterre, et qui tendaient à resserrer les liens entre les trois puissances intervenantes