vescence inquiète et sénile de sa Dalila. Quant à la victime de ce minotaure femelle, Manuel de Kerhalet, c’est un de ces gentilshommes un peu rudes et naïfs que les romanciers tirent comme ils veulent du sol breton, qui n’en peut mais. Peut-être y avait-il là, pour un esprit sobre et maître de lui, matière à un récit court et intéressant ; mais M. Langlé a voulu sans doute à tout prix élargir son cadre dramatique. Au lieu de poser nettement ses personnages et d’engager tout de suite ensemble les roueries de l’un et la passion de l’autre, il entasse histoires sur histoires, préliminaires sur préliminaires, et l’action se trouve surchargée, comme de dépôts alluvions, d’une foule de chapitres préparatoires.
Les romanciers qui ont débuté par le théâtre portent volontiers dans le roman les mêmes défauts qu’à la scène. M. Langlé aime à se parer d’une multitude d’ajustemens ; il a peur de sacrifier une masse de détails parasites qui sont comme la poussière et les scories d’une œuvre d’esprit. Que de personnages et que d’incidens inutiles dans ce roman de la Toile d’araignée ! Qu’est-ce, par exemple, que cette princesse Alida, qui vient tout d’abord pleurer un requiem sur ses amours peu licites et remplir le premier chapitre de l’emphase solennelle de ses sentimens et de ses paroles ? « Nous ne la reverrons plus, » ajoute l’auteur à la fin de ce premier chapitre. Alors pourquoi nous la montrer ? Le but de M. Langlé, en mettant en scène cette femme énigmatique, n’a donc été que de ménager à Reine de Cauzières une correspondante à qui elle pût écrire ensuite l’histoire de ses amours, et qui fut en quelque façon comme un récepteur à l’extrémité d’un fil électrique ? On voit quels sont les procédés tâtonnans de M. Langlé. Son livre s’ouvre par une sorte de prologue déclamatoire pour se continuer par de simples lettres ; puis, quand l’intrigue est enfin nouée, et que le lecteur s’imagine marcher sans encombre, voici qu’il survient de nouveaux heurts, des retours en arrière, et comme des reprises en sous-œuvre du récit et des personnages. À coup sûr, M. Langlé a écrit son roman sans s’être fait un plan lucide et définitif ; sa plume l’a conduit capricieusement, et les épisodes se sont amoncelés presque à son insu les uns sur les autres. Quant au style, il est loin de relever par sa grâce et sa précision les vulgarités de la donnée dramatique. Le dialogue est plein de longueurs, et l’auteur, en peignant la figure de ses personnages, les noie sous un flot de couleurs vagues et hétéroclites : il dit par exemple de Mme de Cauzières, cette sœur trop germaine de la Cléopâtre de M. Houssaye, qu’elle « a des yeux verts avec des points bruns qui se dilatent quand le trouble monte à la surface. » M. Langlé s’est placé, par un tel livre, dans le triste courant où est aujourd’hui la littérature d’imagination. Il n’en sortira qu’à la condition de rompre avec les erremens qui l’ont dépravée et de se montrer plus sévère sur ses conceptions et sur la manière de les traduire.