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l’opinion des chambres est la question du Mexique et des rapports de la politique française avec les États-Unis. Y a-t-il quelque apparence que notre corps expéditionnaire puisse être bientôt ramené en France ? Voilà le point intéressant. On se rend encore difficilement compte parmi nous des progrès qu’a pu faire jusqu’à présent le régime établi au Mexique par l’empereur Maximilien. On a vu, ce qui avait été prédit par ceux qui étaient au courant de l’état des choses au Mexique, que le nouvel empereur, voulant établir un gouvernement de civilisation, a été obligé de rompre avec le clergé et de s’appuyer sur des hommes qui appartiennent au parti contre lequel nous avions dirigé notre intervention. L’empereur Maximilien, au risque de rompre avec le clergé et de se brouiller avec Rome, a été obligé de maintenir la sécularisation des propriétés ecclésiastiques. Ses finances ont sans doute grand besoin d’être alimentées par le crédit, et Paris doit s’attendre à l’émission prochaine d’un nouvel emprunt mexicain. Les ressources financières ainsi obtenues aideront sans doute beaucoup l’empereur Maximilien dans l’accomplissement de son œuvre. Les capitaux européens, français et anglais, se portent vers le Mexique : on parle de la fondation d’une banque ; on construit des chemins de fer. Tout cela est à merveille, et nous applaudirons de très grand cœur aux débuts heureux du nouvel empire, le jour surtout où le dernier de nos soldats aura été rembarqué.

Ce qui préoccupe en effet le public, c’est l’influence que notre position au Mexique pourrait avoir sur nos rapports avec les États-Unis. Il est hors de doute que de bonnes relations avec les États-Unis sont d’un intérêt bien autrement considérable pour la France que les occupations que nous sommes allés si chèrement chercher au Mexique. — Si par aventure nous étions allés nous créer des difficultés et des démêlés à deux mille lieues de chez nous avec la république américaine, jamais entreprise n’aurait été plus contraire aux intérêts de la France et plus déplorable que notre expédition mexicaine. Nous croyons que la façon la plus sûre d’éviter un si malencontreux accident, c’est de rester au Mexique le moins longtemps possible. Ce n’est point que nous nous laissions émouvoir par les rodomontades de certains journaux américains, que nous attachions même une grande importance à cette boutade du sénat de Washington, qui, en fixant l’état des agens diplomatiques de l’Union, a voulu que la légation américaine fût accréditée auprès de la république du Mexique. Les Yankees sont très légers et très emportés quand il ne s’agit que de paroles ; mais le gouvernement de M. Lincoln a fait preuve dans sa politique extérieure d’une très prudente et très habile patience : nous sommes sûrs que M. Seward ne s’avisera point d’imiter le sénat et de traiter le Mexique de république. Ce qui nous inquiète davantage, c’est qu’au fond, en allant au Mexique, nous avons froissé un préjugé américain qui pourrait se réveiller le jour où l’union serait rétablie. Nous ne redoutons point que les États-Unis se laissent emporter à des hostilités contre nous présens dans l’em-