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de préparer une transaction entre les élémens libéraux et les élémens conservateurs en Belgique. L’effort est louable ; mais, venant d’un membre influent du parti catholique, il faut avouer qu’il ne pouvait être plus mal servi par les circonstances. Le parti catholique belge est condamné par l’attitude de la cour de Rome à garder son nom. Tandis que M. Dechamps demande une transaction, le pape la refuse. Tant que la question romaine ne sera point résolue, les hommes d’état dévoués aux idées catholiques ne pourront point rompre la solidarité par laquelle la cour de Rome les lie devant le parti libéral. Les pays catholiques où le clergé a une organisation puissante ont chacun leur question romaine intérieure, leur question du pouvoir temporel de l’église. L’ancienne organisation de l’église dans les pays catholiques avant la révolution française était unie à une organisation politique et économique qui était pour elle ce que le pouvoir temporel est pour le pape : ce sont les lois civiles inspirées par la révolution qui ont anéanti ou profondément modifié ce système des temporalités ecclésiastiques ; mais comment les partis politiques qui ont imposé ces changemens à l’organisation du culte peuvent-ils croire que l’église accepte comme définitifs les nouveaux arrangemens, lorsque le chef de l’église fait revivre dans ses bulles toutes les prétentions temporelles que la papauté a jamais émises aux jours de sa plus grande puissance ? Tant que les prétentions romaines subsisteront, nous ne disons pas à l’état de revendications spéculatives, mais à l’état de fait représenté par une souveraineté politique se plaçant au-dessus des conditions naturelles et variables des gouvernemens humains, tant que la question romaine n’aura point été résolue dans le sens au moins de la limitation la plus étroite du pouvoir temporel, les hommes politiques et les partis qui affecteront un dévouement absolu à la cause de l’église inspireront aux hommes d’état et aux partis libéraux des défiances insurmontables. En Belgique par exemple, ce n’est point M. Frère, quoi qu’en dise M. Dechamps, qui a le pouvoir arbitraire de susciter des questions par lesquelles les catholiques sont relégués dans des camps exclusifs ; la démarcation est maintenue nécessairement par la direction que donnent aux esprits la durée de la question romaine, les prétentions opiniâtres du saint-siège et l’aveugle obstination des polémiques religieuses. Certes, en Belgique comme en France, il est, nous le savons, des hommes d’état dévoués à la cause religieuse du catholicisme, et qui nourrissent un attachement sincère pour les institutions politiques libérales. L’éducation, le tempérament, la générosité d’âme, en ont fait des libéraux. La situation de ces hommes dans le temps où nous vivons nous inspire une douloureuse sympathie. Par momens, on voudrait les accuser d’ignorance quand on les voit professer des opinions politiques si différentes de l’enseignement constant de la cour de Rome. Ils n’ont donc jamais lu, se dit-on, cette série de documens qui, depuis les fausses décrétales jusqu’aux encycliques les plus récentes, constituent la perpétuité et l’unité de la politique romaine :