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tions qui divisent les partis, afin de préluder par les notes les plus calmes au prochain mouvement des hustings. Lord Palmerston a préféré le second système. C’est en vain que quelques membres du parti libéral se sont préparés aux élections en agitant le mot de réforme : des membres importans du ministère ou des membres de la chambre des communes, étroitement liés à des ministres considérables, se sont prononcés avec éclat pour une réforme électorale. On n’a pas oublié avec quelle vigueur M. Gladstone proclama à l’improviste dans la dernière session la nécessité d’une large admission des classes laborieuses à la fonction électorale ; cette manifestation soudaine par laquelle le grand orateur s’établissait comme le chef futur du libéralisme anglais produisit une profonde et longue sensation : il y a quelques jours, une déclaration de principes non moins remarquable occupait l’opinion. Le jeune fils de lord Russell, lord Amberley, assistait à un meeting réformiste réuni à Leeds, et y commençait, à proprement parler, sa carrière politique en se ralliant avec une grande verdeur et netteté de langage aux opinions réformistes les plus avancées. Lord Amberley, dans ce meeting de Leeds, s’est montré prêt à fournir une carrière réformatrice non moins persévérante que ne l’a été celle de son père. Le hardi radicalisme du jeune lord a excité une certaine émotion parmi ceux qu’effraie tout mouvement progressiste ; on devrait cependant être partout revenu des craintes qu’inspiraient autrefois les extensions du droit de suffrage. Le système électoral ne transforme point le tempérament politique des peuples ; nous croyons, pour notre compte, qu’en descendant plus profondément dans les classes populaires le droit de sufi"rage ne changera rien aux influences auxquelles la politique intérieure de l’Angleterre a coutume d’obéir. Cependant, malgré les curieuses sorties de M. Gladstone et du fils de lord Russell, lord Palmerston et la majorité de ses collègues n’ont pas cru que la réforme dût devenir le mot d’ordre général de leur parti. Lord Palmerston paraît devoir aborder les élections en observant la politique qui a jusqu’à présent fait durer son ministère, politique de compromis et de transaction qui recrute des adhérens à la fois chez les conservateurs et les libéraux, qui, pour n’effaroucher ni l’une ni l’autre de ces fractions de l’opinion, s’abstient de toute profession de foi trop accentuée, et laisse à chacun de ses partisans sa liberté d’allure et ses chances particulières de succès devant les collèges électoraux. C’est le quieta ne moveas de Walpole.

Ce système de paisible immobilité, lord Palmerston l’applique aussi à la politique étrangère. L’alarme danoise semble avoir fait passer entièrement à l’état chronique le goût de l’Angleterre pour l’abstention quand même et la neutralité partout et toujours. Jamais la politique anglaise n’a plus affecté de se désintéresser des affaires du monde, jamais elle n’a été plus véritablement insulaire. Elle semble n’avoir à craindre d’incidens désagréables que du côté des États-Unis ; mais de ce côté-là surtout elle redouble en ce moment de prudence. Lord Russell, le premier jour de la session, a pris la peine d’expliquer les légitimes sujets de mauvaise humeur qu’a