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pour la production, pour la consommation et pour le crédit, c’est-à-dire qu’ils veulent autant que possible faire leurs affaires eux-mêmes, en s’affranchissant des intermédiaires et en puisant le capital dans la mise en commun de leurs propres ressources. Il n’est pas besoin d’ajouter qu’ils sont encouragés dans cette voie par ceux qui sont disposés à trouver merveilleuse et lumineuse toute idée qui sort d’un atelier, et qui se garderaient bien de ne point saisir une occasion si belle pour faire de la popularité gratuite. Les économistes sincères n’oseraient encore se prononcer ; ils hésitent et étudient. Ils ne demanderaient pas mieux que de découvrir le principe, la loi qui consacrerait l’application facile de nouvelles combinaisons dans les rapports établis entre le capital et le salaire, le développement du crédit populaire, l’association féconde et la mutualité entre ouvriers ; mais l’expérience du passé leur rappelle tant de mécomptes, qu’ils se tiennent sur leurs gardes et qu’ils ne voudraient point, avant d’être mieux éclairés, donner congé aux riches intermédiaires ni au gros capital. Quant au gouvernement, il n’a rien fait encore qui permette de préjuger son opinion ou ses intentions en présence de ce mouvement d’idées, qui est assurément de nature à éveiller sa sollicitude.

Les expériences qu’exige l’étude de ces graves questions économiques ne peuvent se faire, même dans la mesure la plus restreinte, qu’au moyen de la révision partielle des articles du code de commerce qui régissent les diverses formes de société, et, puisqu’il s’agit d’associations, il importe surtout que l’on modifie la loi ou au moins la jurisprudence en ce qui concerne cette partie de notre régime politique. Il faut rendre en un mot l’association possible. C’est là le point délicat. Comme il est tout à fait superflu de souhaiter ce qu’on n’obtiendra pas, nous n’espérons point que le gouvernement, en matière politique, se dessaisisse des armes qui sont entre ses mains. Nous demandons seulement que la jurisprudence se relâche de sa présente rigueur, et que les autorisations de se réunir soient libéralement accordées. Si l’essai réussit, on n’aura qu’à se féliciter de l’avoir encouragé : s’il échoue, les ouvriers ne pourront pas dire que l’on a entravé arbitrairement leurs plans de nouvelle organisation. Succès ou échec, on y gagnera d’éclairer d’une manière définitive pour notre génération des problèmes très obscurs, dont la solution est cherchée si ardemment.

Si ce premier point était concédé, il faudrait encore que le gouvernement ne s’avisât point de vouloir diriger les expériences, et qu’il s’abstînt d’exercer sur les associations d’autre contrôle que celui qui lui est dévolu dans l’intérêt de la paix publique. Les ouvriers désirent agir seuls et choisir eux-mêmes leurs mandataires. L’expé-