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près impossible, elle serait contraire aux intérêts généraux de l’industrie et à l’intérêt particulier de ceux qu’elle prétendrait servir, elle obligerait l’administration à l’exercice d’une surveillance vexatoire que les ouvriers aussi bien que les patrons chercheraient le plus souvent à repousser ou tout au moins à tromper. Cette opinion n’est pas inconciliable avec les vœux contraires qui ont été exprimés au nom de plusieurs corps d’état. Nous n’ignorons pas que ceux-ci ont appuyé leur demande en réduction des heures de travail sur un motif qu’il est difficile de combattre ; ils ont déclaré qu’ils voulaient consacrer à leur instruction le temps qui serait retranché de leur présence à l’atelier. Comment résister à un tel argument ? Mais aussi pourquoi ne dirions-nous pas franchement que, dans notre pensée, on songeait avant tout à une augmentation de salaire, car l’ouvrier à la journée entendait recevoir la même somme pour une moindre durée de services, et l’ouvrier aux pièces se réservait la faculté de prolonger son travail avec des tarifs plus élevés. Quoi qu’il en soit, ce sont questions à débattre librement entre les parties intéressées, et certainement si les patrons peuvent souscrire à ce qu’on leur demande, si le temps retranché de la présence à l’atelier est employé à reposer le corps et à cultiver l’esprit, chacun applaudira sans réserve.

L’enquête de la chambre de commerce n’a point négligé la statistique intellectuelle de la fabrique parisienne. La proportion des ouvriers des deux sexes qui savent lire et écrire est de 87 pour 100, celle des ouvriers qui savent lire seulement de 1 pour 100, celle des ouvriers qui ne savent ni lire ni écrire de 12 pour 100. On a trouvé pour les femmes la même proportion que pour les hommes. L’industrie du bâtiment est celle qui comprend le plus grand nombre d’ouvriers dépourvus de toute instruction (19,000 ne sachant ni lire ni écrire sur 50,000). La plupart de ces ouvriers ne sont pas originaires de Paris : ils viennent des départemens de la Haute-Vienne et de la Creuse. Les industries où l’instruction est le plus répandue sont celles qui appartiennent aux groupes de l’imprimerie, des instrumens de précision, des articles de Paris, de l’alimentation et de l’ameublement. Certes, si l’on compare Paris avec le reste de la France, la proportion de 87 pour 100 d’ouvriers sachant lire et écrire atteste une supériorité assez marquée, et il convient d’ajouter qu’une partie des ouvriers complètement illettrés ne doit pas, en bonne justice, être portée au compte de la capitale, puisqu’ils lui arrivent du dehors. Il n’en reste pas moins un chiffre de 50,000 ouvriers (13 pour 100 de l’ensemble) qui ne seraient pas capables d’écrire leur nom. C’est là pour une ville telle que Paris une véritable disgrâce. Tout en reconnaissant les sacrifices qui ont été faits