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tion d’articles de goût et de luxe, et qui, indépendamment des chômages naturels, se voit exposée à des chômages accidentels que peuvent amener soit les embarras de la politique intérieure, soit les complications survenues en pays étranger. L’état de l’industrie à Paris marque, avec l’exactitude d’un thermomètre, le degré de confiance et de prospérité qui règne non-seulement en France, mais encore dans le monde entier. Il n’est pas besoin de signaler, au point de vue du sort de la population ouvrière, la différence qui existe entre les chômages réguliers et les chômages imprévus. Ces derniers peuvent avoir des conséquences désastreuses, tandis que les interruptions périodiques trouvent l’ouvrier préparé à se livrer à un autre travail qu’il a su se ménager à l’avance. On sait que les maçons, dont le chômage dure presque tout l’hiver, appartiennent pour la plupart aux départemens du centre. Ils retournent au pays dès que le travail manque, pour ne revenir qu’au printemps. Quelques autres corps d’ouvriers se trouvent dans des conditions analogues. Ces ouvriers, par une contradiction qu’il est facile d’expliquer, souffrent moins du chômage parce que celui-ci est à la fois périodique et continu.

Il serait absolument impossible de supprimer à Paris la morte saison et d’en atténuer les effets. L’ouvrier n’y doit compter que sur sa prévoyance pour traverser ce temps d’épreuve. Il faut que la portion de salaire économisée pendant la période active du travail l’aide à attendre la réouverture de l’atelier et le retour des commandes. Dans les grandes usines, le manufacturier ne saurait, aux époques de crise et de stagnation d’affaires, arrêter complètement sa fabrication ; il succomberait bien vite sous le poids des frais généraux, et il risquerait de perdre le nombreux personnel qu’il a formé et dont il aura besoin plus tard. Il continue donc à travailler, souvent sans profit, quelquefois même à perte, et il lui reste la faculté de diminuer le nombre des journées ou des heures de travail de manière à diminuer les dépenses de main-d’œuvre. Le salaire ainsi réduit est encore une ressource pour l’ouvrier. L’industrie parisienne ne se prête pas à ces combinaisons. Morcelée et divisée à l’infini, elle ne subit pas au même degré la tyrannie des frais généraux ; dès que la crise menace, elle licencie la plus grande partie de son personnel, et, n’ayant plus de commandes, elle ne donne plus de travail. Nul doute que dans ces circonstances, qui malheureusement se présentent par intervalles, tantôt dans une branche d’industrie, tantôt dans une autre, l’ouvrier ne soit plus exposé et plus éprouvé que le patron. Il est vrai que la main-d’œuvre parisienne, à laquelle on demande des efforts intermittens et dont l’emploi est précaire, est rémunérée par des salaires plus élevés, ce qui