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la loi punissait le simple fait de coalition entre les ouvriers, a disparu maintenant que la main-d’œuvre peut librement débattre son prix, et depuis la promulgation de la nouvelle loi les ouvriers ont usé du droit qui leur était rendu, soit en demandant une augmentation de salaire, soit, ce qui revient au même, en provoquant une réduction du nombre des heures de travail. L’exercice de ce droit, nous le savons et nous avons déjà saisi l’occasion de le dire[1], n’est pas sans péril, et il exige de la part de ceux qui en usent autant de modération que d’intelligence ; mais il ne s’agit ici que de dégager un chiffre statistique, rectifiant ou plutôt complétant les renseignemens recueillis par la chambre de commerce. Si l’enquête de 1860 a pu évaluer à 4 fr. 51 c. la moyenne de la journée de l’ouvrier parisien, nous croyons qu’il est permis de porter cette moyenne en 1864 à bien près de 5 fr., ce qui est un grand progrès, dont il convient, répétons-le, d’attribuer l’origine et l’honneur à trois actes de liberté et de paix : le traité de commerce, l’exposition universelle et la loi de 1863 sur les coalitions. En constatant le fait, affirmons et proclamons bien haut les causes. On ne saurait trop répéter et surtout prouver que, pour les lois économiques comme pour les lois politiques, le progrès réside dans le respect des principes éternels et simples qui commandent notamment l’absolue liberté du travail, et qui assurent à tout homme, soit patron, soit ouvrier, la pleine et entière disposition de son capital ou de ses bras.

En étudiant les salaires, l’enquête a dû se rendre compte des périodes de morte saison. Il résulte de ses calculs que sur les 101,000 industriels qui ont été interrogés, 64,000 ont déclaré ne point éprouver d’interruption de travail ; le reste, soit 36,000, subissent des chômages plus ou moins prolongés. Les établissemens où le travail est permanent forment donc les deux tiers environ de l’ensemble. Il n’y a guère qu’une branche d’industrie qui conserve pendant toute l’année une égale activité, c’est celle de l’alimentation. Dans d’autres branches, la morte saison, dont la durée varie de 2 à 4 mois, se présente à des époques périodiques, dont le patron et l’ouvrier peuvent prévoir le retour presque régulier. Ainsi les travaux du bâtiment sont interrompus pendant l’hiver ; on distingue les industries qui s’exercent avec le plus d’activité en hiver et celles qui s’exercent en été. Certains ateliers sont très occupés à l’approche du mois de janvier et se ralentissent durant le reste de l’année. Ce sont là des conditions inhérentes au caractère même de l’industrie parisienne, qui se livre, dans une forte proportion, à la fabrica-

  1. Les Expositions universelles et leur influence sur l’Industrie contemporaine. — Revue du 1er décembre 1864.