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complètement étrangères aux travaux du bâtiment. L’élément déterminant qui a donné plus de prix à la journée de l’ouvrier, c’est le progrès incontestable de la richesse publique, l’excédant des commandes sur les facultés de production, l’exportation toujours croissante des produits parisiens à destination des départemens et de l’étranger. S’il n’en était pas ainsi, la hausse n’aurait pas eu lieu, car le capital ne se serait point trouvé en mesure d’y faire face, le taux de la main-d’œuvre se réglant non pas seulement d’après les besoins et les exigences de l’ouvrier qui reçoit le salaire, mais aussi d’après les ressources du capitaliste qui le paie. En définitive, il n’y a aucun motif de surprise, encore moins de regret, dans la marche ascendante que suivent les salaires, et dont l’enquête de 1860 n’a pu marquer que les premières étapes.

En effet, la moyenne de 4 fr. 51 c., que la chambre de commerce attribue au salaire des ouvriers recensés pendant le cours de cette enquête, doit être aujourd’hui sensiblement dépassée sous l’influence de trois grands faits qui laisseront dans l’histoire de notre régime économique des souvenirs ineffaçables : nous voulons parler du traité de commerce conclu avec l’Angleterre en 1860, de l’exposition de Londres en 1861, et de la loi de 1863 sur les coalitions d’ouvriers. En consacrant enfin résolument le principe de la liberté des échanges, le traité de commerce a obligé l’industrie nationale à faire de vigoureux efforts pour soutenir la concurrence, à multiplier son outillage et à former des ouvriers habiles ; il a déterminé immédiatement un mouvement très considérable de transactions avec l’étranger, et les statistiques commerciales attestent que l’industrie parisienne a profité plus que toute autre de cette situation nouvelle. L’exposition de Londres a confirmé la réputation que Paris s’était acquise dans de nombreuses branches de travail, et elle l’a confirmée utilement ; grâce à la liberté du commerce qui s’introduit peu à peu chez toutes les nations, les produits de Paris ne se heurtent plus, comme par le passé, contre les prohibitions ou contre les droits excessifs qui les arrêtaient aux frontières étrangères, et ils peuvent désormais aller presque partout comme marchandises de retour en échange des marchandises devant lesquelles nos tarifs se sont abaissés. Paris a donc eu tout à gagner au libre échange, et nous ne croyons pas que ses ateliers aient jamais vu une période plus active que celle qui s’est écoulée depuis 1860 en dépit des crises monétaires qui ont par intervalles resserré le crédit. Entre la prospérité des fabriques et la hausse des salaires il existe une corrélation toute naturelle : le second fait est dépendant du premier, mais il le suit pas à pas, à moins qu’il ne se rencontre entre les deux un obstacle insurmontable. Cet obstacle, qui existait alors que