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point des conditions essentielles ; ces industries sont assurées de ne jamais manquer de bras, et de pouvoir en augmenter ou en diminuer le nombre selon leur intérêt et leurs besoins. En outre, c’est dans les métropoles que se forment les grands réservoirs de capitaux et les sources les plus abondantes du crédit. Enfin est-il nécessaire d’insister sur l’avantage que beaucoup d’industries trouvent à s’établir dans la capitale, qui se relie ordinairement, par les voies de communication les plus nombreuses et les plus directes, à tous les points du territoire, aux frontières ou à la mer, et faut-il démontrer la nécessité qui les oblige souvent à se rapprocher du centre où résident les sciences et les arts, ces auxiliaires de plus en plus utiles du travail manufacturier ? Les considérations que nous venons de rappeler s’appliquent à presque toutes les capitales. Voyez Londres, Bruxelles, Vienne, Berlin. L’exception que présente Washington tient à des circonstances particulières, et elle ne saurait infirmer la règle.

Peut-être cependant le chiffre de la population industrielle à Paris dépasse-t-il dans une certaine mesure la proportion normale par suite de deux causes exceptionnelles. Avant l’annexion, la banlieue était couverte d’usines qui s’étaient installées sur des terrains alors peu coûteux, et qui, n’étant soumises qu’à des impôts très réduits et à des droits d’octroi fort minimes, mettaient avantageusement en œuvre les matières premières au seuil même du vaste marché où elles vendaient leurs produits. Ces usines ne se seraient certainement pas établies à La Chapelle, à La Villette, à Grenelle, si elles avaient dû, dès l’origine, subir les charges de l’octroi parisien. Elles profitent encore aujourd’hui du régime de faveur que la loi leur a ménagé pour adoucir la transition ; mais lorsqu’en 1870 elles se verront soumises au droit commun, il est probable que plusieurs d’entre elles se transporteront en dehors de la nouvelle enceinte. La seconde cause exceptionnelle se rattache aux grands travaux que l’administration municipale a entrepris directement, ou qu’elle a suscités pour reconstruire une portion de Paris. Cette influence n’est cependant point aussi considérable qu’on l’a supposé, parce que le principal corps d’état employé dans les constructions, le corps du bâtiment, se recrute en général dans une population nomade, qui va et vient suivant les demandes, et qui, si l’ouvrage venait à manquer ou cà se ralentir, retournerait spontanément dans ses foyers. Quoi qu’il en soit, ces deux causes d’augmentation du nombre des ouvriers cesseront de produire leurs effets lorsque la loi d’annexion sera pleinement exécutée, c’est-à-dire en 1870, et à mesure que les travaux de l’édilité parisienne avanceront vers la période d’achèvement.