Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/1028

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers la lumière inaccessible. Son ignorance, son impuissance la désolent. Elle espère parfois, le plus souvent elle désespère. Enfin ses supplications sont si ardentes que l’éon Sauveur, ce produit du concours simultané de tous les autres éons, descend vers elle comme consolateur ou Paraclet. Quand Sagesse d’en bas voit arriver le glorieux éon, elle se voile toute honteuse ; mais son approche la rassure, elle se sent fortifiée, purifiée par lui, elle s’ouvre à la lumière des anges qui accompagnent son céleste bienfaiteur, et laisse aller ses souffrances, qui se détachent d’elle.

Ici recommence un drame analogue au précédent, mais qui enfin touche à l’humanité. Les souffrances détachées de Sagesse d’en bas ne sont autre chose que la substance dont le monde est fait, et certes on n’accusera pas d’un optimisme frivole le système qui voyait dans le monde la douleur de la Divinité. Cette substance du monde se partage en quatre élémens : l’un psychique ou simplement sensible, provenant des terreurs de Sagesse d’en bas, l’autre matériel, provenant de ses tristesses (les fleuves et les mers ne sont autre chose que ses larmes) ; le troisième démonique, provenant de son désespoir ; le quatrième enfin spirituel, qui provient de ses prières et qui, s’unissant à l’élément psychique ou sensible, lui communique sa nature. C’est ainsi que Sagesse d’en bas est la mère de tout ce qui existe et reproduit une ogdoade inférieure d’après le type de r ogdoade suprême, qui lui a été révélé par l’éon Sauveur. L’arrangement actuel du monde est l’œuvre d’un démiurge psychique qui le façonne avec une certaine habileté, mais qui reste lui-même étranger aux lumières supérieures de l’esprit. Tout ce qu’il fait commence et doit finir. Il ne sait pas même qu’en réalité c’est Sagesse d’en bas qui lui inspire son œuvre organisatrice et la dirige. Il est parfois émerveillé de la beauté inattendue de ses œuvres. Il s’imagine avec orgueil qu’il est le Dieu suprême, et s’écrie dans l’Ancien Testament : « Je suis Dieu, et il n’en est point d’autre que moi ! » Il ignore que les hommes qu’il a formés en combinant l’élément psychique avec le matériel doivent au premier de ces élémens de renfermer parfois en eux-mêmes des parcelles d’esprit qui leur viennent de Sagesse d’en bas, et qui, convenablement émancipées, pourront spiritualiser l’élément psychique à son tour. Bien que les peuples païens soient presque uniquement de l’ordre matériel, ils comptent pourtant des âmes d’élite qui ont pu s’élever jusqu’à la sphère de l’esprit ; mais de telles âmes se sont rencontrées surtout au sein de ce peuple psychique adopté de préférence par le démiurge. Celui-ci, à qui Sagesse d’en bas avait révélé l’existence du Plérôme, s’était bien gardé de faire part de cette révélation à son peuple ; il lui avait promis cependant un Messie qui lui procurerait