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aujourd’hui Fourvières. Depuis lors, et jusqu’au rude châtiment que Septime-Sévère lui infligea l’an 197, pour la punir d’avoir embrassé le parti de son compétiteur Albinus, la cité lyonnaise jouit d’une prospérité continue et ne cessa de grandir. Ce fut d’ailleurs, comme tout l’atteste, une période de grande prospérité matérielle pour la Gaule entière.

Cependant en l’an 177 Lyon fut le théâtre de scènes affreuses. Le christianisme avait fait dans les Gaules une entrée tardive et qui a lieu de surprendre quand on pense aux rapports étroits de la nation conquise avec la ville impériale, où de si bonne heure une florissante communauté chrétienne s’était spontanément formée avant la venue d’aucun apôtre et par la simple rencontre de chrétiens venus des provinces orientales. Tout donne lieu de croire que ce furent aussi des Orientaux plutôt que des missionnaires italiens qui implantèrent la foi nouvelle dans les Gaules vers le milieu du iie siècle, d’abord à Vienne, l’ancienne capitale allobroge, devenue aussi chef-lieu de province et centre politique important, puis ou presque simultanément à Lyon. Pothin, l’aimable, le premier évangélisateur des Gaules dont la tradition se souvienne, et qui dut commencer ses travaux vers le milieu du iie siècle, porte un nom grec. Sur douze noms propres de chrétiens lyonnais que nous a conservés l’intéressante lettre écrite par l’église de Lyon à ses sœurs d’Asie après les événemens de l’année 177, nous trouvons un Attale de Pergame, un Alexandre de Phrygie, un Irénée de Smyrne ou du voisinage, des noms qui ne sont ni gaulois, ni latins, mais purement grecs, tels que Bibliade et Alcibiade. Irénée se félicite quelque part dans ses écrits de ce que le régime impérial permet de voyager en toute sécurité d’un bout à l’autre de ce qu’on appelait alors le monde : si le commerce et l’administration en eussent seuls profité, il est douteux que l’évêque de Lyon eût si complaisamment relevé cet avantage. Enfin, sans appartenir au montanisme exagéré[1], les chrétiens de Lyon du iie siècle ne laissent pas de partager le point de vue essentiel et d’employer les expressions favorites de cette tendance extatique dont l’Asie -Mineure était le foyer proprement dit. En Asie toutefois, les choses étaient beaucoup plus avancées, et l’épiscopat se voyait forcé de recourir aux mesures les plus énergiques pour éliminer entièrement ce levain rétrograde et compromettant.

Cette action de l’Asie chrétienne mérite qu’on s’y arrête. On ne se rend pas assez compte d’ordinaire du rôle prépondérant de l’Orient grec dans la propagation du christianisme en Occident.

  1. Voyez sur cette tendance exaltée et rigide la Revue du 1er novembre 1864.