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moderne a le plus étudiés. On peut s’en convaincre en voyant l’importance attribuée à ses écrits dans les savantes recherches de la théologie allemande de notre temps. L’école de Tubingue surtout, son fondateur F.-C. Baur en tête, les a soumis à une analyse persévérante. C’est principalement comme adversaire des gnostiques, ces étranges rêveurs du iie siècle, qu’Irénée intéresse la critique moderne, et qu’il nous renseigne sur l’état réel de l’église dans ces temps primitifs dont l’éternelle illusion des sociétés vieillies a fait trop facilement un âge d’or. Le gnosticisme lui-même est un phénomène trop curieux, trop unique, pour ne pas fixer à son tour l’attention du public, toujours plus nombreux, qui a pris goût à l’histoire religieuse et spécialement à celle des origines chrétiennes. Nous ne séparerons pas ce que l’histoire a réuni, et nous parlerons également d’Irénée et des gnostiques. Le sujet ainsi compris permet d’ailleurs d’entrer dans quelques détails sur les commencemens du christianisme dans les Gaules.

I.

La ville de Lyon ou plutôt de Lug-Dunum (mont ou château de Lucius) était déjà une cité importante au iie siècle de notre ère, bien qu’elle n’eût été fondée que quarante et un ans avant Jésus-Christ par le lieutenant de César, Lucius Munatius Plancus. La position magnifique de la nouvelle ville, assise sur deux fleuves, au pied d’une côte escarpée, non loin des Alpes et pourtant déjà en pleine Gaule, cette position, qui l’avait désignée aux conquérans de nos pauvres et héroïques ancêtres comme le point stratégique par excellence d’où l’on pouvait tenir en respect la contrée tout entière, lui avait valu, sous Auguste, l’honneur d’être érigée en capitale de l’immense province qui coupait en diagonale tout le pays gaulois. Le neveu de César lui accorda de grands priviléges, institua des foires qui ne tardèrent pas à devenir très fréquentées, et la reconnaissance des Lyonnais lui fit en retour hommage d’un temple qui devint en quelque sorte le centre religieux des Gaules romanisées, car soixante peuplades gauloises voulurent concourir à la construction de cet édifice. Caligula et Claude naquirent à Lyon, et favorisèrent aussi beaucoup leur ville natale ; le dernier lui accorda même les priviléges d’une colonie romaine. Détruite ou à peu près sous Néron par un tremblement de terre, la ville fut rebâtie presque immédiatement, et sous Trajan elle s’enrichit d’un monument dont il ne reste que le nom transformé, mais qui paraît avoir été magnifique, le Forum de Trajan, appelé plus tard le Forum Vetus,