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excellent. Si donc l’indépendance des écoles, de l’aveu de nos contradicteurs, est bonne, utile, salutaire en Angleterre, gardons-nous de la proscrire en France ; tâchons bien au contraire de l’y acclimater, et en attendant que les particuliers se cotisent pour nous en faire jouir, ne décourageons pas l’état d’en faire provisoirement les frais. La question financière n’est ici qu’accessoire, et l’exemple de l’Angleterre qu’on veut nous opposer, bien loin de justifier le coup d’état du 13 novembre, n’en démontre que mieux encore la regrettable inopportunité.

En somme, pour en finir avec cette question de la constitution de l’école, on doit comprendre, nous l’espérons, pourquoi nous réclamons si fort un enseignement indépendant. Ce n’est de notre part ni vaine théorie ni prédilection platonique pour les formes de la liberté, encore moins plaisir mesquin de censurer : nous n’avons avec l’ancienne école et ses professeurs éconduits aucun lien d’amitié, par conséquent aucun motif d’épouser leur querelle ; c’est une raison purement pratique qui nous fait parler aujourd’hui. Nous voulons un enseignement stable, constant, approfondi, traditionnel dans le bon sens du mot, un fond d’études sérieuses et désintéressées, à l’abri des caprices et des oscillations du goût : est-ce notre faute si le régime purement administratif tel qu’il vient d’être inauguré nous semble incompatible avec notre programme ? Il nous faut une école non pas absolument maîtresse d’elle-même, se gouvernant en toute chose sans contrôle et à sa fantaisie : non, qu’elle soit dirigée et même administrée, tant qu’on voudra, dans toutes les parties du service qui ne touchent pas essentiellement à l’art ; mais que la direction des études et le recrutement de l’école ne soient soumis de la part du pouvoir qu’à des sanctions sinon de pure forme, du moins assez tolérantes pour laisser subsister une vraie liberté. Il n’y a rien là dont se puisse inquiéter le pouvoir même le plus ombrageux, et l’administration, en abdiquant ainsi, aurait encore bien des moyens de pénétrer, s’il lui plaisait, dans le sanctuaire réservé ; en tout cas, son influence sur l’école fût-elle en partie compromise, ses protégés, ses goûts n’y fussent-ils pas toujours admis, elle aurait au moins l’avantage d’échapper aux embarras inextricables du système qu’elle essaie aujourd’hui. Nous ignorons, ce qui se passe depuis six mois rue Bonaparte ; mais si quelqu’un venait nous dire que le désordre, la confusion inséparables d’un début s’y prolongent indéfiniment, que les professeurs isolés, sans moyens réguliers de communiquer entre eux et de diriger en commun les études, professent au hasard, au jour le jour, comme il plaît à Dieu, gouvernés, soi-disant, par un conseil consultatif qui n’a droit de rien décider et ne confère même pas avec eux, si bien qu’ils sont réduits sans cesse à