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travaux puissent se continuer pendant une longue période d’années. Ainsi la Comet Company de Bendigo, constituée avec un capital de 860,000 francs, a obtenu une concession de 4 hectares sur laquelle ont été reconnus huit filons dont l’épaisseur varie de 30 à 75 centimètres ; elle n’a encore exploité qu’une faible partie des minerais qui sont contenus dans cette superficie, et cependant elle en a extrait en trois ans et demi pour une valeur de 400,000 francs.

Partout, on le voit, l’industrie minière se transforme. Les mineurs isolés sont remplacés par des compagnies ; les machines accomplissent une partie du labeur et suppléent à l’insuffisance de la main-d’œuvre. S’il est un travail où l’homme veuille repousser l’assistance de ses semblables, ne semble-t-il pas que ce dût être celui-là à cause de ses surprises et de ses succès imprévus, dont chacun veut conserver pour soi toutes les chances heureuses ? Néanmoins huit ans ne s’étaient pas encore écoulés depuis la découverte de ces précieux terrains que déjà les sociétés s’organisaient afin de poursuivre en commun les plus incertaines de toutes les entreprises. On peut entrevoir le moment où le digger solitaire ne sera plus que toléré. Les champs d’or, dont le mineur a réclamé la libre disposition avec tant d’égoïsme et qu’il a arrachés aux préoccupans, squatters ou cultivateurs, se monopolisent entre les mains de compagnies puissantes. Le capital reprend ses droits à côté de la main-d’œuvre. Cependant l’espace est large, et, malgré l’étendue nouvelle des concessions actuelles, malgré le concours de la vapeur, qui multiplie les bras, et des machines, qui forcent le minerai à rendre la plus grande part de ce qu’il contient, on ne peut prévoir que ces champs seront bientôt épuisés. Disons-le encore, il y en a pour des siècles à extraire tout ce que contiennent d’or les seuls districts aurifères de la Victoria.

Comme organisation, les districts miniers de la Victoria sont placés sous le régime simple et démocratique qui prévaut en toutes choses dans les colonies australes. Les mineurs sont représentés par des députés à l’assemblée législative et par un ministre dans le gouvernement de la province. Ce dernier institue dans chacun des six districts un commissaire (warden), assisté, suivant l’importance de la région, par des sous-commissaires qui fournissent à l’administration centrale tous les renseignemens dont elle a besoin, et jugent en premier ressort les contestations de peu d’importance. Les affaires plus graves sont portées devant les cours des mines, composées de magistrats indépendans, et dont les arrêts ne peuvent être invalidés que par la cour suprême de la colonie. Ainsi sont jugés, avec toute garantie d’impartialité, les litiges très nombreux, et d’une importance pécuniaire énorme, qui surgissent entre les mineurs.